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49.

Tant s’en faut que d’avoir ouï dire une chose soit la règle de votre créance, que vous ne devez rien croire sans vous mettre en l’état comme si jamais vous ne l’aviez ouï. C’est le consentement de vous à vous-même, et la voix constante de votre raison, et non des autres, qui vous doit faire croire.

Le croire est si important ! Cent contradictions seroient vraies.

Si l’antiquité étoit la règle de la créance, les anciens étoient donc sans règle. Si le consentement général ; si les hommes étoient péris ?

Fausse humilité, orgueil. Levez le rideau. Vous avez beau faire ; si faut-il ou croire, ou nier, ou douter. N’aurons-nous donc pas de règle ? Nous jugeons des animaux qu’ils font bien ce qu’ils font : n’y aura-t-il point une règle pour juger des hommes ? Nier, croire, et douter bien, sont à l’homme ce que le courir est au cheval[1].


50.

Notre religion est sage et folle. Sage, parce qu’elle est la plus savante, et la plus fondée en miracles, prophéties, etc. Folle, parce que ce n’est point tout cela qui fait qu’on en est ; cela fait bien condamner ceux qui n’en sont pas, mais non pas croire ceux qui en sont. Ce qui les fait croire, c’est la croix, ne evacuata sit crux. Et ainsi saint Paul, qui est venu en sagesse et signes, dit qu’il n’est venu ni en sagesse ni en signes, car il venoit pour convertir. Mais ceux qui ne viennent que pour convaincre peuvent dire qu’ils viennent en sagesse et signes.


51.

La loi obligeoit à ce qu’elle ne donnoit pas. La grâce donne ce à quoi elle oblige.


52.

Ce que les hommes, par leurs plus grandes lumières, avoient pu connoître, cette religion l’enseignoit à ses enfans.


53.

Que je hais ces sottises, de ne pas croire l’Eucharistie, etc. ! Si l’Évangile est vrai, si Jésus-Christ est Dieu, quelle difficulté y a-t-il là ?


54.

Le juste agit par foi dans les moindres choses : quand il reprend ses serviteurs, il souhaite leur conversion par l’esprit de Dieu, et prie Dieu de les corriger, et attend autant de Dieu que de ses répréhensions, et prie Dieu de bénir ses corrections. Et ainsi aux autres actions.

De tout ce qui est sur la terre, il ne prend part qu’aux déplaisirs, non aux plaisirs. Il aime ses proches, mais sa charité ne se renferme pas dans ces bornes, et se répand sur ses ennemis, et puis sur ceux de Dieu.


55.

Pourquoi Dieu a établi la prière. — 1° Pour communiquer à ses créatures la dignité de la causalité. 2° Pour nous apprendre de qui nous tenons la vertu. 3° Pour nous faire mériter les autres vertus par tra-

  1. Pascal a écrit en marge de ce fragment : « Punition de ceux qui pèchent ; erreur. »