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Elle se plaint des deux, mais bien plus des calvinistes, à cause du schisme.

Il est certain que plusieurs des deux contraires[1] sont trompés, il faut les désabuser.

La foi embrasse plusieurs vérités qui semblent se contredire. Temps de rire, de pleurer, etc. Responde. Ne respondeas, etc.

La source en est l’union des deux natures en Jésus-Christ.

Et aussi les deux mondes[2]. La création d’un nouveau ciel et nouvelle terre ; nouvelle vie, nouvelle mort ; toutes choses doublement, et les mêmes noms demeurant.

Et enfin les deux hommes qui sont dans les justes[3] ; car ils sont les deux mondes, et un membre et image de Jésus-Christ. Et ainsi tous les noms leur conviennent, de justes, pécheurs ; mort, vivant ; vivant, mort ; élu, réprouvé, etc.

Il y a donc un grand nombre de vérités, et de foi, et de morale, qui semblent répugnantes, et qui subsistent toutes dans un ordre admirable.

La source de toutes les hérésies est l’exclusion de quelques-unes de ces vérités ; et la source de toutes les objections que nous font les hérétiques est l’ignorance de quelques-unes de ces vérités.

Et d’ordinaire il arrive que, ne pouvant concevoir le rapport de deux vérités opposées, et croyant que l’aveu de l’une enferme l’exclusion de l’autre, ils s’attachent à l’une, ils excluent l’autre, et pensent que nous, au contraire. Or l’exclusion est la cause de leur hérésie ; et l’ignorance que nous tenons l’autre cause leurs objections.

1er exemple : Jésus-Christ est Dieu et homme. Les ariens, ne pouvant allier ces choses, qu’ils croient incompatibles, disent qu’il est homme : en cela ils sont catholiques. Mais ils nient qu’il soit Dieu : en cela ils sont hérétiques. Ils prétendent que nous nions son humanité : en cela ils sont ignorans.

2e exemple, sur le sujet du saint sacrement : Nous croyons que la substance du pain étant changée, et consubstantiellement en celle du corps de Notre-Seigneur, Jésus-Christ y est présent réellement. Voilà une vérité. Une autre est que ce sacrement est aussi une des figures de la croix et de la gloire, et une commémoration des deux. Voilà la foi catholique, qui comprend ces deux vérités qui semblent opposées.

L’hérésie d’aujourd’hui[4], ne concevant pas que ce sacrement contient tout ensemble et la présence de Jésus-Christ, et sa figure, et qu’il soit sacrifice et commémoration de sacrifice, croit qu’on ne peut admettre l’une de ces vérités sans exclure l’autre par cette raison.

Ils s’attachent à ce point seul, que ce sacrement est figuratif ; et en cela ils ne sont point hérétiques. Ils pensent que nous excluons cette

  1. Comme s’il disait : «Il y a des calvinistes et des pélagiens (les deux contraires), qui sont trompés (qui sont de bonne foi).»
  2. Le monde de la nature, et le monde de la grâce.
  3. Il y a deux hommes dans les justes, le vieil homme, et l’homme régénéré, membre et image de Jésus-Christ.
  4. Les calvinistes.