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étant en plusieurs lieux, choisit celui-ci, et fait venir de tous côtés les hommes pour y recevoir ces soulagements miraculeux dans leurs langueurs.

Les miracles ne sont plus nécessaires, à cause qu’on en a déjà. Mais quand on n’écoute plus la tradition, quand on ne propose plus que le pape, quand on l’a surpris, et qu’ainsi ayant exclu la vrai source de la vérité, qui est la tradition, et ayant prévenu le pape, qui en est le dépositaire, la vérité n’a plus de liberté de paroître : alors les hommes ne parlant plus de la vérité, la vérité doit parler elle-même aux hommes. C’est ce qui arriva au temps d’Arius.

Joh., vi, 26 : Non quia vidistis signa, sed saturati estis[1].

Ceux qui suivent Jésus-Christ à cause de ses miracles honorent sa puissance dans tous les miracles qu’elle produit ; mais ceux qui, en faisant profession de le suivre pour ses miracles, ne le suivent en effet que parce qu’il les console et les rassasie des biens du monde, ils déshonorent ses miracles, quand ils sont contraires à leurs commodités.

Juges injustes, ne faites pas des lois sur l’heure ; jugez par celles qui sont établies par vous-mêmes : Væ qui conditis leges iniquas[2].

La manière dont l’Église a subsisté est que la vérité a été sans contestation ; ou, si elle a été contestée, il y a eu le pape, et sinon, il y a eu l’Église.

Miracle. C’est un effet qui excède la force naturelle des moyens qu’on y emploie ; et non-miracle est un effet qui n’excède pas la force naturelle des moyens qu’on y emploie. Ainsi ceux qui guérissent par l’invocation du diable ne font pas un miracle ; car cela n’excède pas la force naturelle du diable. Mais...

Les miracles prouvent le pouvoir que Dieu a sur les cœurs par celui qu’il exerce sur les corps.

Il importe aux rois, aux princes, d’être en estime de piété ; et pour cela, il faut qu’ils se confessent à vous[3]. Les jansénistes ressemblent aux hérétiques par la réformation des mœurs ; mais vousleur ressemblez en mal.




ARTICLE XXIV.[4]


1.

Le pyrrhonisme est le vrai ; car, après tout, les hommes, avant Jésus-Christ, ne savoient où ils en étaient, ni s’ils étoient grands ou petits. Et ceux qui ont dit l’un ou l’autre n’en savoient rien, et devinoient sans raison et par hasard : et même ils erroient toujours, en excluant l’un ou l’autre. Quod ergo ignorantes, quæritis, religio annuntiat vobis.[5].

  1. « Vous me suivez, non pour le miracle que vous avez vu (le miracle des cinq pains), mais parce que vous avez été rassasiés. »
  2. Is., x, 1.
  3. Aux jésuites.
  4. Article XVII de la seconde partie, dans Bossut.
  5. Actes des Apôtres, xvii, 23.