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qui n’entendent pas sa voix. Le lieu est ouvert au blasphème, et même sur des vérités au moins bien apparentes. Si l’on publie les vérités de l’Évangile, on en publie de contraires, et on obscurcit les questions en sorte que le peuple ne peut discerner. Et on demande : « Qu’avez-vous pour vous faire plutôt croire que les autres ? Quel signe faites-vous ? Vous n’avez que des paroles, et nous aussi. Si vous aviez des miracles, bien. » Cela est une vérité, que la doctrine doit être soutenue par les miracles, dont on abuse pour blasphémer la doctrine. Et si les miracles arrivent, on dit que les miracles ne suffisent pas sans la doctrine ; et c’est une autre vérité, pour blasphémer les miracles.

Que vous êtes aise de savoir les règles générales, pensant par là jeter le trouble, et rendre tout inutile ! On vous en empêchera, mon père : la vérité est une et ferme.


10.

Un miracle parmi les schismatiques n’est pas tant à craindre ; car le schisme, qui est plus visible que le miracle, marque visiblement leur erreur. Mais quand il n’y a point de schisme, et que l’erreur est en dispute, le miracle discerne.

Jean, ix,[1] : Non est hic homo a Deo, qui sabbatum non custodit. Alii : Quomodo potest homo peccator haec signa facere ? Lequel est le plus clair ?

« Cette maison n’est pas de Dieu ; car on n’y croit pas que les cinq propositions soient dans Jansénius. » Les autres : « Cette maison est de Dieu ; car il y fait d’étranges miracles. » Lequel est le plus clair ?

Tu quid dicis ? Dico quia propheta est.Nisi esset hic a Deo, non poterat facere quidquam[2].

« Si vous ne croyez en moi, croyez au moins aux miracles. » Il les renvoie comme au plus fort.

Il avoit été dit aux juifs, aussi bien qu’aux chrétiens, qu’ils ne crussent pas toujours les prophètes. Mais néanmoins les pharisiens et les scribes font grand état de ses miracles, et essayent de montrer qu’ils sont faux, ou faits par le diable : étant nécessités d’être convaincus, s’ils reconnoissent qu’ils sont de Dieu.

Nous ne sommes pas aujourd’hui dans la peine de faire ce discernement. Il est pourtant bien facile à faire : ceux qui ne nient ni Dieu, ni Jésus-Christ, ne font point de miracles qui ne soient sûrs : Nemo faciat virtutem in nomine meo, et cito possit de me male loqui[3]. Mais nous n’avons point à faire ce discernement. Voici une relique sacrée. Voici une épine de la couronne du Sauveur du monde, en qui le prince de ce monde[4] n’a point puissance, qui fait des miracles par la propre puissance de ce sang répandu pour nous. Voici que Dieu choisit lui-même cette maison poury faire éclater sa puissance.

Ce ne sont point des hommes qui font ces miracles par une vertu inconnue et douteuse, qui nous obligeà un difficile discernement. C’est Dieu même ; c’est l’instrument de la passion de son Fils unique, qui,

  1. Verset 16.
  2. Jean, ix, 17 et 33.
  3. Marc, ix, 38.
  4. Le diable.