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9.

Et cependant ce Testament, fait pour aveugler les uns et éclairer les autres, marquoit, en ceux mêmes qu’il aveugloit, la vérité qui devoit être connue des autres. Car les biens visibles qu’ils recevoient de Dieu étoient si grands et si divins, qu’il paroissoit bien qu’il étoit puissant de leur donner les invisibles, et un Messie.

Car la nature est une image de la grâce, et les miracles visibles sont images des invisibles. Ut sciatis, tibi dico : Surge[1].

Isaïe (LI) dit que la rédemption sera l’image de la mer Rouge.

Dieu a donc montré en la sortie d’Égypte, de la mer, en la défaite des rois, en la manne, en toute la généalogie d’Abraham, qu’il étoit capable de sauver, de faire descendre le pain du ciel, etc. ; de sorte que le peuple ennemi est la figure et la représentation du même Messie qu’ils ignorent.

Il nous a donc appris enfin que toutes ces choses n’étoient que figures, et ce que c’est que vraiment libre, vrai Israélite, vraie circoncision, vrai pain du ciel, etc.


10.

Dans ces promesses-là, chacun trouve ce qu’il a dans le fond de son cœur, les biens temporels, ou les biens spirituels, Dieu, oules créatures ; mais avec cette différence que ceux qui y cherchent les créatures les y trouvent, mais avec plusieurs contradictions, avec la défense de les aimer, avec l’ordre de n’adorer que Dieu et de n’aimer que lui, ce qui n’est qu’une même chose, et qu’enfin il n’est point venu de Messie pour eux ; au lieu que ceux qui y cherchent Dieu le trouvent, et sans aucune contradiction, avec commandement de n’aimer que lui, et qu’il est venu un Messie dans le temps prédit pour leur donner les biens qu’ils demandent.

Et ainsi les juifs avoient des miracles, des prophéties qu’ils voyaient accomplir ; et la doctrine de leur loi étoit de n’adorer et de n’aimer qu’un Dieu : elle étoit aussi perpétuelle. Ainsi elle avoit toutes les marques de la vraie religion : aussi elle l’étoit. Mais il faut distinguer la doctrine des juifs d’avec la doctrine de la loi des juifs. Or, la doctrine des juifs n’étoit pas vraie, quoiqu’elle eût les miracles, les prophéties, et la perpétuité, parce qu’elle n’avoit pas cet autre point, de n’adorer et de n’aimer que Dieu.


11.

Source des contrariétés. — Un Dieu humilié, et jusqu’à la mort de la croix : un Messie triomphant de la mort par sa mort. Deux natures en Jésus-Christ, deux avénemens, deux états de la nature de l’homme.


12.

Contradiction. — On ne peut faire une bonne physionomie qu’en accordant toutes nos contrariétés, et il ne suffit pas de suivre une suite de qualités accordantes sans concilier les contraires. Pour entendre le sens d’un auteur, il faut concilier tous les passages contraires.

Ainsi, pour entendre l’Écriture, il faut avoir un sens dans lequel tous

  1. Marc, ii, 10.