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12.

Preuve. — 1° La religion chrétienne, par son établissement : par elle-même établie si fortement, si doucement, étant si contraire à la nature. — 2° La sainteté, la hauteur et l’humilité d’une âme chrétienne. — 3° Les merveilles de l’Écriture sainte. — 4° Jésus-Christ en particulier. — 5° Les apôtres en particulier. — 6° Moïse et les prophètes en particulier. — 7° Le peuple juif. — 8° Les prophéties. — 9° La perpétuité. Nulle religion n’a la perpétuité. — 10° La doctrine, qui rend raison de tout. — 11° La sainteté de cette loi. — 12° Par la conduite du monde.

Il est indubitable qu’après cela on ne doit pas refuser, en considérant ce que c’est que la vie, et que cette religion, de suivre l’inclination de la suivre, si elle nous vient dans le cœur ; et il est certain qu’il n’y a nul lieu de se moquer de ceux qui la suivent.




ARTICLE XII.[1]


1.

Commencement, après avoir expliqué l’incompréhensibilité. — Les grandeurs et les misères de l’homme sont tellement visibles, qu’il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu’il y a quelque grand principe de grandeur en l’homme, et qu’il ya un grand principe de misère. Il faut donc qu’elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés.

Il faut que, pour rendre l’homme heureux, elle lui montre qu’il y a un Dieu ; qu’on est obligé de l’aimer ; que notre vraie félicité est d’être en lui, et notre unique mal d’être séparé de lui ; qu’elle reconnoisse que nous sommes pleins de ténèbres, qui nous empêchent de le connoître et de l’aimer ; et qu’ainsi nos devoirs nous obligeant d’aimer Dieu, et nos concupiscences nous en détournant, nous sommes pleins d’injustice. Il faut qu’elle nous rende raison de ces oppositions que nous avons à Dieu et à notre propre bien ; il faut qu’elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances, et les moyens d’obtenir ces remèdes. Qu’on examine sur cela toutes les religions du monde, et qu’on voie s’il y en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse.

Sera-ce les philosophes, qui nous proposent pour tout bien les biens qui sont en nous ? Est-ce là le vrai bien ? Ont-ils trouvé le remède à nos maux ? Est-ce avoir guéri la présomption de l’homme que de l’avoir égalé à Dieu ? Ceux qui nous ont égalés aux bêtes, et les mahométans qui nous ont donné les plaisirs de la terre pour tout bien, même dans l’éternité, ont-ils apporté le remède à nos concupiscences ?

Quelle religion nous enseignera donc à guérir l’orgueil et la concupiscence ? Quelle religion enfin nous enseignera notre bien, nos devoirs, les foiblesses qui nous en détournent, la cause de ces foiblesses, les remèdes qui les peuvent guérir, et le moyen d’obtenir ces remèdes ?

  1. Article V de la seconde partie, dans Bossut.