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tiques puissent abandonner leur réputation à la calomnie, surtout en matière de foi. Cependant ils vous laissent dire tout ce qu’il vous plaît de sorte que, sans l’occasion que vous m’en avez donnée par hasard peut-être que rien ne seroit opposé aux impressions scandaleuses que vous semez de tous côtés. Ainsi leur patience m’étonne, et d’autant plus qu’elle ne peut m’être suspecte ni de timidité, ni d’impuissance, sachant bien qu’ils ne manquent ni de raisons pour leur justification. ni de zèle pour la vérité. Je les vois néanmoins si religieux à se taire, que je crains qu’il n’y ait en cela de l’excès. Pour moi, mon père, je ne crois pas pouvoir le faire. Laissez l’Église en paix, et je vous y laissera de bon cœur. Mais pendant que vous ne travaillerez qu’à y entretenir le trouble, ne doutez pas qu’il ne se trouve des enfans de la paix qui se croiront obligés d’employer tous leurs efforts pour y conserver la tranquillité.




FRAGMENT D’UNE DIX-NEUVIÈME LETTRE PROVINCIALE

ADRESSÉE AU P.ANNAT.

Mon révérend père,

Si je vous ai donné quelque déplaisir par mes autres lettres, en manifestant l’innocence de ceux qu’il vous importoit de noircir, je vous donnerai de la joie par celle-ci, en vous y faisant paroître la douleur dont vous les avez remplis. Consolez-vous, mon père ; ceux que vous haïssez sont affligés : et si MM. les évêques exécutent dans leurs diocèses les conseils que vous leur donnez, de contraindre à jurer et à signer qu’on croit une chose de fait qu’il n’est pas véritable qu’on croie, et qu’on n’est pas obligé de croire, vous réduirez vos adversaires dans la dernière tristesse, de voir l’Église en cet état. Je les ai vus, mon père (et je vous avoue que j’en ai eu une satisfaction extrême), je les ai vus, non pas dans une générosité philosophique, ou dans cette fermeté irrespectueuse qui fait suivre impérieusement ce qu’on croit être de son devoir ; non aussi dans cette lâcheté molle et timide qui empêche, ou de voir la vérité, ou de la suivre, mais dans une piété douce et solide, pleins de défiance d’eux-mêmes, de respect pour les puissances de l’Église, d’amour pour la paix, de tendresse et de zèle pour la vérité, def désir de la connoître et de la défendre, de crainte pour leur infirmité, de regret d’être mis dans ces épreuves, et d’espérance néanmoins que Dieu daignera les y soutenir par sa lumière et par sa force, et que la grâce de Jésus-Christ qu’ils soutiennent, et pour laquelle ils souffrent, sera elle-même leur lumière et leur force. J’ai vu enfin en eux le caractère de la piété chrétienne qui fait paroître une force. Je les ai trouvés environnés de personnes de leur connoissance, qui étoient venues sur ce sujet pour les porter à ce qu’ils croient le meilleur dans l’état présent des choses. J’ai ouï les conseils qu’on leur a donnés ; j’ai remarqué la manière dont ils les ont reçus et les réponses qu’ils y ont faites : en vérité, mon père, si vous aviez été présent, je crois que vous avoueriez vous-même qu’il n’y a rien en tout leur procédé qui ne