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opiniâtres ; car ils seront sans blâme sur ce point de fait comme ils sont sans erreurs sur les points de foi ; catholiques sur le droit, raisonnables sur le fait, et innocens en l’un et l’autre.

Qui ne s’étonnera donc, mon père, en voyant d’un côté une justification si pleine, de voir de l’autre des accusations si violentes ? Qui penseroit qu’il n’est question entre vous que d’un fait de nulle importance, qu’on veut faire croire sans le montrer ? Et qui oseroit s’imaginer qu’on fit par toute l’Église tant de bruit pour rien, pro nihilo, mon père, comme le dit saint Bernard ? Mais c’est cela même qui est le principal artifice de votre conduite, de faire croire qu’il y va de tout en une affaire qui n’est de rien ; et de donner à entendre aux personnes puissantes qui vous écoutent qu’il s’agit dans vos disputes des erreurs les plus pernicieuses de Calvin, et des principes les plus importans de la foi ; afin que dans cette persuasion ils emploient tout leur zèle et toute leur autorité contre ceux que vous combattez, comme si le salut de la religion catholique en dépendoit ; au lieu que, s’ils venoient à connoître qu’il n’est question que de ce petit point de fait, ils n’en seroient nullement touchés, et ils auroient au contraire bien du regret d’avoir fait tant d’efforts pour suivre vos passions particulières en une affaire qui n’est d’aucune conséquence pour l’Église.

Car enfin, pour prendre les choses au pis. quand même il seroit véritable que Jansénius auroit tenu ces propositions, quel malheur arriveroit-il de ce que quelques personnes en douteraient, pourvu qu’ils les détestent, comme ils le font publiquement ? N’est-ce pas assez qu’elles soient condamnées par tout le monde sans exception, au sens même où vous avez expliqué que vous voulez qu’on les condamne ? En seroient elles plus censurées, quand on diroit que Jansénius les a tenues ? A quoi servirait donc d’exiger cette reconnoissance, sinon à décrier un docteur et un évêque qui est mort dans la communion de l’Église ? Je ne vois pas que ce soit là un si grand bien, qu’il faille l’acheter par tant de troubles. Quel intérêt y a l’État, le pape, les évêques, les docteurs et toute l’Église ? Cela ne les touche en aucune sorte, mon père ; et il n’y a que votre seule Société qui recevroit véritablement quelque plaisir de cette diffamation d’un auteur qui vous a fait quelque tort. Cependant tout se remue, parce que vous faites entendre que tout est menacé. C’est la cause secrète qui donne le branle à tous ces grands mouvemens, qui cesseroient aussitôt qu’on aurait su le véritable état de vos disputes. Et c’est pourquoi, comme le repos de l’Église dépend de cet éclaircissement, il étoit d’une extrême importance de le donner, afin que, tous vos déguisemens étant découverts, il paroisse à tout le monde que vos accusations sont sans fondement, vos adversaires sans erreurs, et l’Église sans hérésie.

Voilà, mon père, le bien que j’ai eu pour objet de procurer, qui me semble si considérable pour toute la religion, que j’ai dela peine à comprendre comment ceux à qui vous donnez tant de sujet de parler peuvent demeurer dans le silence. Quand les injures que vous leur faites ne les toucheraient pas, celles que l’Église souffre devroient, ce me semble, les porter à s’en plaindre, outre que je doute que les ecclésias-