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AVERTISSEMENT.

continuation des Mémoires d’histoire et de littérature. En 1778, Voltaire publia à Genève une édition des Pensées, qui n’est que la reproduction de l’édition de Condorcet, avec des notes nouvelles. Voltaire était l’homme du monde le moins fait pour annoter Pascal et Corneille qu’il a commentés l’un et l’autre. Il était, lui aussi, un grand esprit, mais dans un sens opposé. Son génie se composait de toutes les qualités que Pascal n’avait pas.

L’édition de Bossut parut en 1779, et ce fut la première édition complète de Pascal. On n’avait guère jusque-là que les Provinciales et les Pensées. Bossut y joignit pour la première fois les œuvres mathématiques. Quant aux Pensées, il adopta et perfectionna la classification de Condorcet ; en comparant les diverses éditions entre elles et avec les manuscrits de la Bibliothèque royale, il donna un texte beaucoup plus exact et beaucoup plus complet que celui de ses prédécesseurs. On comprend que, depuis Bossut, son édition servit de bases à toutes les éditions partielles qui furent faites des Pensées ou des Provinciales. C’est seulement en 1842 que le public apprit, par un rapport de M. Cousin à l’Académie française, qu’on ne connaissait qu’imparfaitement les Pensées de Pascal, et qu’il restait encore dans le texte de Bossut un grand nombre des interpolations, des mutilations et des changements opérés par Port-Royal, et, dans les manuscrits de la Bibliothèque royale, des pages entières d’une force et d’un éclat incomparables, et qui n’avaient jamais vu le jour. Ce rapport de l’illustre écrivain fut, dans le monde littéraire, un véritable événement. Non-seulement il en résulta comme un renouvellement de la gloire de Pascal ; mais ce fut aussitôt une émulation parmi tous les littérateurs, une ardeur de fouiller les manuscrits, un empressement à rectifier le texte des auteurs célèbres, qui nous a valu plus d’une découverte importante. Pour Pascal, M. Cousin s’était contenté d’indiquer la voie. M. Prosper Faugère se mit à l’œuvre ; et avec une patience de bénédictin, et un amour de son sujet qu’on ne saurait trop louer, il parvint à donner la première édition complète et conforme aux manuscrits des Pensées de Pascal. Cette édition qui honore infiniment M. Faugère est de 1844.

Malheureusement, la lecture des Pensées devenait, dans cette nouvelle édition, très-difficile pour le vulgaire, et assez peu attrayante pour les lettrés. M. Faugère, dans son irritation contre Port-Royal, avait passé à l’autre extrémité ; et comme ils avaient exagéré la liberté de l’éditeur, il exagéra, lui, la fidélité. Il donna des fragments décousus ; il copia les points ; il reproduisit des morceaux de phrases sans suite, des mots qui ne pouvaient avoir de sens que pour Pascal. Il aurait donné plutôt un fac-similé des manuscrits qu’une édition, s’il n’avait eu la pensée de