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mais vous vous êtes bien gardé d’ajouter qu’il y apporte des restrictions qui font que ces nécessités urgentes n’obligent presque jamais à donne l’aumône, qui est ce dont il s’agit.

Le troisième de vos passages dit simplement que les riches ne son pas obligés de donner seulement l’aumône dans les nécessités extrêmes c’est-à-dire quand un homme est près de mourir, parce qu’elles son trop rares ; d’où vous concluez qu’il est faux que les occasions où Vasquez oblige à donner l’aumône soient fort rares. Mais vous vous moquez, monsieur : vous n’en pouvez conclure autre chose, sinon qu Vasquez ôte le nom de très-rares aux occasions de donner l’aumône qu’il rend très-rares en effet par les conditions qu’il y apporte. En quoi il n’a fait que suivre la conduite de sa Compagnie. Ce jésuite avoit à satisfaire tout ensemble les riches, qui veulent qu’on ne les oblige que très-rarement à donner l’aumône, et l’Église, qui y oblige très-souvent ceux qui ont du superflu. Il a donc voulu contenter tout le monde, selon la méthode de sa Société, et il y a fort bien réussi. Car il exige, d’une part, des conditions si rares en effet, que les plus avares en doivent être satisfaits ; et il leur ôte, de l’autre, le nom de rares, pour satisfaire l’Église en apparence. Il n’est donc pas question de savoir si Vasquez a donné le nom de rares aux rencontres où il oblige de donner l’aumône. On ne l’a jamais accusé de les avoir appelées rares. Il étoit trop habile jésuite pour appeler ainsi les mauvaises choses par leur nom. Mais il est question de savoir si elles sont rares en effet, par les restrictions qu’il y apporte ; et c’est ce que l’auteur des Lettres a si bien montré, qu’il ne vous est resté sur cela que cette réponse générale, qui ne vous manque jamais, qui est la dissimulation et le silence.

Tout ce que vous ajoutez ensuite de la subtilité de l’esprit de Vasquez dans les divers sens qu’il donne aux mots de nécessaire et de superflu est une pure illusion. Il ne les a jamais pris qu’en deux sens, aussi bien que tous les autres théologiens. Il y a selon lui, « nécessaire à la nature, et nécessaire à la condition ; superflu à la nature, superflu à la condition. » Mais, afin qu’une chose soit superflue à la condition, il veut qu’elle le soit non-seulement à l’égard de la condition présente, mais aussi à l’égard de celle que les riches peuvent acquérir ou pour eux, ou pour leurs parens, par des moyens légitimes. Ainsi, selon Vasquez, tout ce que l’on garde pour relever sa condition est appelé simplement nécessaire à la condition, et superflu seulement à la nature ; et on n’est obligé d’en faire l’aumône que dans les occasions que l’auteur des Lettres a fait voir être si rares, qu’elles n’arrivent presque jamais.

Il n’est pas besoin de rien ajouter, touchant la comparaison de Vasquez et de Cajetan, à ce que l’auteur des Lettres en a dit. Je vous avertirai seulement, en passant, que vous imposez à ce cardinal, aussi bien que Vasquez, lorsque vous soutenez « que, contre ce qu’il avoit dit dans le traité de l’Aumône, il enseigne, en celui des Indulgences, que l’obligation de donner le superflu ne passe point le péché véniel. »

Lisez-le, monsieur, et ne vous fiez pas tant aux jésuites, ni morts ni vivans. Vous trouverez que Cajetan y enseigne formellement le contraire, et qu’après avoir dit qu’il n’y a que les nécessités extrêmes,