Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/85

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pouvant de ses pieds monter sur l'arbre, y fit grimper la ruse ; il se plaça au-dessous du ravisseur, que sa proie rendait si fier, et il se mit à lui prodiguer de perfides éloges. “Quelle folie était la mienne de le disputer sans espoir de succès à l'oiseau d'Apollon ! A-t-on jamais vu un corps mieux proportionné ! Il n'est ni trop petit ni trop grand, et tel qu'il le faut pour ses besoins et pour sa beauté. Que ce plumage est moelleux ! cette tête, gracieuse ! ce bec, solide ! quel regard perçant ! quelles serres vigoureuses ! Parlerai-je de sa couleur ? il y en avait deux principales, la noire et la blanche, qui constituent la différence du jour et de la nuit : Apollon les a données toutes les deux à ses oiseaux chéris, la blanche au cygne, la noire au corbeau. Mais pourquoi faut-il que, de même qu'il a donné le chant au cygne, il n'ait pas également donné de la voix à son rival ? au moins, ce bel oiseau, qui domine si incontestablement toute la gent ailée, ne serait pas privé du mérite de la voix, ce favori du dieu de la musique ne vivrait pas muet et silencieux.” Le corbeau n'eut pas plus tôt entendu dire que cet avantage seul lui manquait sur les autres oiseaux, qu'il voulut donner un vaste éclat de gosier, afin de ne pas le céder en cela même au cygne : et, oubliant le gâteau qu'il tenait, il ouvrit son bec de toute sa grandeur, de manière que ce qu'il avait conquis par son vol, il le