Page:Œuvres complètes d’Apulée (éd. Garnier), tome 2, 1883.djvu/230

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de manières ; car, selon notre philosophe, l'injustice étant une affection désordonnée et une maladie de l'âme, il en conclut qu'évidemment les hommes ne sauraient y être portés de leur propre mouvement. Quel homme d'ailleurs voudrait par simple amour du mal faire entrer sciemment dans la meilleure partie de son âme le crime et le désordre ? Lors donc que l'on se met imprudemment sous l'empire du mal, il faut que ce soit à son insu qu'on en subisse et l'usage et les actes. C'est en ce sens que c'est un pire état de faire du dommage que d'en recevoir ; car, sur quoi tombe le dommage ? sur des choses de peu de prix, sur des corps, sur des objets extérieurs : or, ces objets peuvent subir des altérations ou être anéantis par de frauduleuses manoeuvres, sans qu'il y ait préjudice pour les parties plus nobles qui tiennent à l'âme même. Faire le dommage est donc un état beaucoup plus fâcheux. De là on peut comprendre que c'est le vice qui perd les âmes originellement bonnes, et qu'un homme qui veut en perdre un autre se nuit plus à lui-même qu'il ne fait de tort à celui contre lequel il machine ses coupables complots. Mais si nuire à un autre est un mal funeste entre tous, c'en est un bien plus funeste encore que de causer du dommage et de rester impuni. Oui, c'est un état plus terrible, plus affreux que tous les supplices, lorsqu'un coupable se trouve dans l'impunité et que la vengeance des hommes ne le châtie pas ; de même qu'une situation désespérée