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« Puis, tu peux y compter, tu te feras des frais
Avec tes hommes noirs, qui prennent nos requêtes
Pour se les renvoyer comme sur des raquettes,
(Et tout bas les malins se disent : « Qu’ils sont sots ! »),
Pour mitonner des lois, coller des petits pots
Pleins de jolis décrets roses et de drogailles,
S’amuser à couper proprement quelques tailles,
Puis se boucher le nez quand nous marchons près d’eux,
(Nos doux représentants qui nous trouvent crasseux !)
Pour ne rien redouter, rien, que les baïonnettes…
C’est très bien. Foin de leur tabatière à sornettes !
Nous en avons assez, là, de ces cerveaux plats
Et de ces ventre-dieux. Ah ! ce sont là les plats
Que tu nous sers, bourgeois, quand nous sommes féroces,
Quand nous brisons déjà les sceptres et les crosses ?… »


ii




Il le prend par le bras, arrache le velours
Des rideaux et lui montre, en bas, les larges cours
Où fourmille, où fourmille, où se lève la foule,
La foule épouvantable avec des bruits de houle,
Hurlant comme une chienne, hurlant comme une mer,
Avec ses bâtons forts et ses piques de fer,
Ses tambours, ses grands cris de halles et de bouges,
Tas sombre de haillons saignant de bonnets rouges.
L’Homme, par la fenêtre ouverte, montre tout
Au roi pâle et suant qui chancelle debout,
Malade à regarder cela.

Malade à regarder cela. « C’est la crapule,
Sire. Ça bave aux murs, ça monte, ça pullule.
Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
Je suis un forgeron ; ma femme est avec eux,
Folle : elle croit trouver du pain aux Tuileries.