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Dans quelque songe étrange où l’on voyait joujoux,
Bonbons habillés d’or, étincelants bijoux
Tourbillonner, danser une danse sonore,
Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore.
On s’éveillait matin, on se levait joyeux,
La lèvre affriandée, en se frottant les yeux ;
On allait, les cheveux emmêlés sur la tête,
Les yeux tout rayonnants comme aux grands jours de fête
Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
Aux portes des parents tout doucement toucher ;
On entrait ; puis, alors, les souhaits… en chemise,
Les baisers répétés, et la gaieté permise !

iv




Ah ! c’était si charmant, ces mots dits tant de fois…
— Mais comme il est changé, le logis d’autrefois !
Un grand feu pétillait, clair, dans la cheminée.
Toute la vieille chambre était illuminée ;
Et les reflets vermeils, sortis du grand foyer,
Sur les meubles vernis aimaient à tournoyer.
L’armoire était sans clefs, sans clefs la grande armoire !
On regardait souvent sa porte brune et noire :
Sans clefs, c’était étrange ! On rêvait bien des fois
Aux mystères dormant entre ses flancs de bois ;
Et l’on croyait ouïr, au fond de la serrure
Béante, un bruit lointain, vague et joyeux murmure…
— La chambre des parents est bien vide aujourd’hui !
Aucun reflet vermeil sous la porte n’a lui.
Il n’est point de parents, de foyer, de clefs prises ;
Partant, point de baisers, point de douces surprises.
Oh ! que le jour de l’an sera triste pour eux !
Et, tout pensifs, tandis que de leurs grands yeux bleus
Silencieusement tombe une larme amère,
Ils murmurent : « Quand donc reviendra notre mère ? »