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Ils tressaillent souvent à la claire voix d’or
Du timbre matinal, qui frappe et frappe encor
Son refrain métallique en son globe de verre.
Et la chambre est glacée. On voit traîner à terre,
Épars autour des lits, des vêtements de deuil.
L’âpre bise d’hiver, qui se lamente au seuil,
Souffle dans le logis son haleine morose.
On sent, dans tout cela, qu’il manque quelque chose…
Il n’est donc point de mère à ces petits enfants,
De mère au frais sourire, aux regards triomphants ?
Elle a donc oublié, le soir, seule et penchée,
D’exciter une flamme à la cendre arrachée,
D’amonceler sur eux la laine et l’édredon ?
Avant de les quitter, en leur criant : pardon !
Elle n’a point prévu la froideur matinale,
Ni bien fermé le seuil à la bise hivernale ?…
— Le rêve maternel, c’est le tiède tapis,
C’est le nid cotonneux où les enfants, tapis
Comme de beaux oiseaux que balancent les branches,
Dorment leur doux sommeil plein de visions blanches !
Et là, c’est comme un nid sans plumes, sans chaleur,
Où les petits ont froid, ne dorment pas, ont peur ;
Un nid que doit avoir glacé la bise amère…


iii




Votre cœur l’a compris : ces enfants sont sans mère.
Plus de mère au logis ! — et le père est bien loin !…
Une vieille servante, alors, en a pris soin.
Les petits sont tout seuls en la maison glacée…
Orphelins de quatre ans, voilà qu’en leur pensée
S’éveille, par degrés, un souvenir riant.
C’est comme un chapelet qu’on égrène en priant :
Ah ! quel beau matin que le matin des étrennes !
Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes,