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seulement que si chez les Solariens la communauté des femmes s’étend jusqu’au lit, elle n’y existe pas à la manière des brutes, qui s’emparent de la première femelle qu’ils rencontrent, mais suivant les lois de la génération, comme je l’ai déjà dit. Je crois cependant qu’ils peuvent être dans l’erreur à ce sujet, quoiqu’ils s’appuient sur l’autorité de Platon, de Socrate et aussi de saint Clément, sans doute mal interprété, comme tu le dis. Ils prétendent que saint Augustin approuve la communauté, mais non jusqu’à l’union charnelle avec toutes les femmes, car c’est là l’hérésie des Nicolaïtes, et que notre église n’a permis le mariage que pour éviter un plus grand mal, et non pour produire un plus grand bien. Il pourrait se faire que cet usage tombât chez eux en désuétude, d’autant plus que dans les villes sujettes, tout en instituant la communauté, ils ne l’ont pas étendue jusques-là. Néanmoins ils regardent cela comme une imperfection et un manque de philosophie de la part des habitants de ces villes conquises. L’habitude rend les femmes propres à la guerre et à beaucoup d’autres exercices. Cette aptitude fait que j’approuve infiniment l’opinion de Platon et de notre[1] Gaïeta sur ce point, et que je désapprouve complètement celle d’Aristote. Ce qui rend encore les Solariens dignes d’éloges, c’est qu’aucune difformité n’autorise un homme à vivre dans l’oisiveté ; les vieillards seuls sont exceptés, et pourtant ils sont encore utiles par les conseils qu’ils donnent. Le boiteux sert de surveillant, l’aveugle carde la laine et choisit la plume pour les matelats et les coussins. La république se sert de la voix et des oreilles de ceux qui

  1. Gaïeta, philosophe de Cosenza.