Page:Œuvres choisies de Thomas Campanella.djvu/188

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homme à régner, que vous ne l’êtes de celle des hommes par lesquels vous vous laissez commander et que vous croyez propres à gouverner, par cela seul qu’ils sont fils de princes ou qu’ils sont portés au pouvoir par une faction. D’ailleurs, un homme possédant d’aussi vastes connaissances que notre Métaphysicien fût-il incapable de tenir les rènes de l’État, ne sera jamais ni cruel, ni pervers, ni tyran. Cependant cette déduction tirée de la science de notre chef n’aurait pas la même force chez vous, où vous regardez comme le plus savant celui qui connaît le mieux la grammaire, la logique d’Aristote ou toute autre auteur ; de telle sorte que chez vous la science n’est qu’une affaire de mémoire et de travail. De là vient que dans vos contrées l’homme s’égare, parce qu’il ne contemple pas les choses en elles mêmes, mais qu’il les étudie dans les paroles des livres et dans la lettre morte. C’est pourquoi son intelligence ne peut arriver à comprendre la manière dont Dieu gouverne les êtres, ni à connaître la nature et ses lois, non plus que les usages et les mœurs des nations. Pareille chose ne peut arriver à notre Soleil, car pour apprendre tant de sciences et tant d’arts, il faut avoir une intelligence supérieure apte à tout et par conséquent à régner. Nous pensons que celui qui ne connaît qu’une science, ne la possède pas vraiment toute entière et à plus forte raison ignore les autres, et que celui qui n’est apte qu’à une seule science, puisée dans les livres, est un homme incapable. C’est le propre du génie d’approfondir promptement toutes les sciences. Tels sont les hommes, qui, par nature, peuvent considérer l’essence des choses, et tel doit être notre Métaphysicien. Au surplus, on apprend dans notre cité les sciences avec une