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L’arbre tombe feuille à feuille : si les hommes contemploient chaque matin ce qu’ils ont perdu la veille, ils s’apercevroient bien de leur pauvreté.

L’homme n’a au fond de l’ame aucune aversion contre la mort ; il y a même du plaisir à mourir. La lampe qui s’éteint ne souffre pas.

La Mort, selon les Sauvages, est une grande femme fort belle, à laquelle il ne manque que le cœur.

La cendre d’un mort, quel que fût de son vivant le décédé, est sacrée. La poussière des tyrans donne d’aussi grandes leçons que celle des bons rois.

Il y a deux points de vue d’où la mort se montre bien différente. De l’un de ces points vous apercevez la mort au bout de la vie, comme un fantôme à l’extrémité d’une longue avenue : elle vous semble petite dans l’éloignement, mais à mesure que vous en approchez elle grandit ; le spectre démesuré finit par étendre sur vous ses mains froides et par vous étouffer.

De l’autre point de vue la mort paroît énorme au fond de la vie ; mais à mesure que vous marchez sur elle, elle diminue, et quand vous êtes au moment de la toucher, elle s’évanouit. L’insensé et le sage, le poltron et le brave, l’esprit impie et l’esprit religieux, l’homme de plaisir et l’homme