Page:Œuvres Complètes de M. Le Vicomte de Chateaubriand, éd. Pourrat, tome 18, 1836.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.

point la vertu reconnue par les autres hommes ; ils n’appellent point de ce nom toutes les choses régulières, mais inférieures, de l’existence, cette honnêteté vulgaire qui remplit exactement ses devoirs : la vertu pour eux est un élan de l’ame qui nous porte vers le bien aux dépens de notre bonheur et de notre vie, ou une force qui nous fait dompter nos passions les plus fougueuses. Ces hommes-là s’élèvent au-dessus des autres hommes ; mais à quoi sont-ils bons dans la société ? Comme les montagnes dans la nature, comme les monuments gigantesques dans les arts, ils sortent des proportions communes : on les regarde, et on en a peur.

Les caractères exaltés dans les gens vulgaires sont insupportables ; unis à une grande ame ou à un beau génie, ils entraînent tout. Ces caractères ne veulent pas séduire, et ils séduisent ; ils ignorent eux-mêmes leur force, et sont tout étonnés d’avoir fait tant d’heureux ou tant de victimes.

Le malheur agit sur nous selon notre caractère. Un homme pourroit se sauver en s’expliquant, et il ne le veut pas ; un autre croit réparer tout en parlant, et il se perd.

Il seroit étrange que l’homme prétendît à une constance inaltérable, lorsque toute la nature change autour de lui : l’arbre perd ses feuilles, l’oiseau ses plumes, le cerf ses rameaux. L’homme seul diroit :