Page:Œuvres Complètes de M. Le Vicomte de Chateaubriand, éd. Pourrat, tome 18, 1836.djvu/314

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il peignit la tyrannie de ce prince, parce qu’il vécut après lui. Butler, doué d’un génie observateur, eût peut-être écrit l’histoire de Charles Ier s’il fût né sous la reine Anne ; il se contenta de rimer Hudibras, parce qu’il avoit vu les personnages de la révolution de Cromwell ; il les avoit vus, toujours parlant de vertu, de sainteté, d’indépendance, présenter leurs mains à toutes les chaînes, et, après avoir immolé le père, se courber sous le joug méprisable du fils.

Il y a des iniquités politiques qui ne peuvent plus être impunément commises, à cause de la civilisation avancée des peuples. Que l’on ne croie pas que ces peuples puissent dire, sans résultat, à leurs gouvernements : « Tel crime, tel malheur est arrivé par votre faute. » Les bases du pouvoir même sont ébranlées par ces reproches ; le respect des nations venant à manquer au pouvoir, ce pouvoir est en péril.

Chez une nation qui conserve encore l’innocence primitive, le vice apporté par des étrangers fait des progrès plus rapides que dans une société déjà corrompue, comme un homme sain meurt de l’air pestiféré où vit un homme habitué à cet air.

On peut arriver à la liberté par deux chemins : par les mœurs et par les lumières. Mais quand les mœurs et les lumières manquent à la fois, quand