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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

Je ne songeais même pas aux prostituées, ayant peur de l’infection vénérienne. Pour ce qui est des filles du peuple, des ouvrières, je me disais que celles qui étaient corrompues étaient aussi dangereuses pour la santé que les prostituées, et quant à corrompre moi-même une jeune fille innocente, mes sentiments moraux ne l’auraient pas permis, alors même que j’aurais voulu affronter toutes les conséquences plus ou moins fâcheuses que cela pouvait avoir pour moi : désespoir de la victime, réclamations justifiées des parents, etc. Pour rien au monde je n’aurais voulu commettre une mauvaise action et, d’autre part, je me disais que toute jeune fille qu’il me serait possible de posséder sans commettre une mauvaise action pourrait être contaminée. Ce que l’on me disait de la corruption des masses ouvrières milanaises n’était pas fait pour me rassurer. Le milieu théâtral subalterne, si nombreux à Milan : choristes, danseuses, chanteuses de café-concert, etc., c’était toujours, je le savais, de la prostitution, c’était le milieu où les maladies vénériennes étaient précisément le plus répandues. J’aurais tâché de me procurer une maîtresse chic, une « entretenue », si mes moyens matériels me l’avaient permis : mais mon budget m’interdisait absolument de recourir à ce moyen.

J’avais beau me creuser la tête, je ne trouvais aucune solution. Mais le temps passait et je commençais à m’habituer à l’abstinence. L’instinct érotique comprimé, au lieu de s’exaspérer, se calmait, ce qui ne laissait pas de m’étonner. Les livres de médecine que j’avais lus me faisaient croire que mon abstinence absolue pourrait avoir les conséquences les plus terribles ; elles ne venaient pas et ma santé physique semblait se fortifier. Mon énergie morale semblait renaître également, je commençais à m’intéresser réellement à l’art et à l’étude. Les tentations m’assaillaient à la suite de certaines lectures, à la vue de certaines images, à la vue d’un ballet, etc., mais comme je ne savais quelle suite donner à la révolte de ma chair, mes désirs s’apaisaient peu à peu. Je continuais à ne pas me masturber, mais j’avais des pollutions nocturnes qui me soulageaient et m’étaient agréables. Je m’intéressais de plus en plus aux choses de l’industrie,