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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

caractère chaotique de la mentalité russe et aussi d’une grande idolâtrie pour toutes les célébrités et autorités intellectuelles : comme les gens religieux trouvent toujours le moyen de concilier les textes sacrés les plus contradictoires, de même les Russes finissent toujours par prêter les mêmes opinions (les leurs propres) aux hommes célèbres dont les opinions divergent le plus et interprètent, par exemple, Nietzsche dans le sens du communisme révolutionnaire et de la social-démocratie ! Mais laissons cela. Le livre dont je parle était intitulé, je crois : Éléments de la science sociale. Misère, prostitution, célibat. L’auteur anonyme se disait docteur en médecine. On croyait en Russie que c’était un fils du célèbre Robert Owen. Cet ouvrage contenait des notions sur les phénomènes sexuels et recommandait aux jeunes gens des deux sexes de commencer le commerce charnel de bonne heure en pratiquant le néo-malthusianisme pour éviter les grossesses. Il y avait des recettes néo-malthusiennes pratiques : emploi de l’éponge, etc. Ce livre était interdit en Russie, mais, publié en russe à l’étranger, il circulait partout clandestinement et la plupart des collégiens et collégiennes le lisaient, quelquefois dès l’âge de 13 ou 14 ans, et souvent en appliquaient les conseils. J’avais lu ce livre depuis longtemps quand je le vis sur la table de Nadia (appelons ainsi la fiancée du « nihiliste »). Cette demoiselle vivait chez une tante, mais occupait une chambre indépendante où elle ne laissait entrer que ses amis : jamais n’y entraient sa tante, ni les autres parents. Naturellement, elle sortait et rentrait aux heures qu’elle voulait. Beaucoup de collégiennes russes jouissent de la même liberté dans leurs familles. Nadia me demanda si j’avais lu ce livre. Je répondis affirmativement, mais j’ajoutai que, comme il y avait longtemps de cela, je le relirais volontiers. Elle me le prêta donc. Quand je le lui eus rapporté, elle engagea une conversation sur les idées qu’il contenait. Elle me dit que l’abstinence sexuelle était condamnée par la raison et la science, puis elle m’apprit qu’elle avait eu des relations sexuelles avec son fiancé avant son arrestation, avec application des moyens préventifs contre la conception