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APPENDICE

elle me dit de me déshabiller, de me coucher auprès d’elle, et m’ « enseigna » l’acte sexuel. Elle ne risquait rien du reste, il n’y avait personne dans la maison et le mari ne pouvait rentrer à ce moment-là. Avec cette dame j’ai eu depuis l’occasion de coïter plus d’une fois.

La liaison la plus longue et la plus intéressante fut celle que j’ai eue entre 16 et 17 ans avec une jeune fille plus âgée que moi de quelques mois seulement. Elle était élève de la dernière classe du gymnase, mais était déjà fiancée à un étudiant qui était alors en prison.

Comme affilié au parti terroriste socialiste-révolutionnaire, il attendait son procès depuis des mois, en prison préventive. Les charges contre lui n’étaient pas très graves et, comme en Russie dans les procès politiques les débats sont souvent une pure formalité, une comédie, de sorte que l’inculpé est d’avance condamné par les autorités supérieures dont les membres du tribunal militaire ne sont que les instruments passifs, on savait d’avance que le jeune homme en question serait condamné à 8 ou 10 ans d’exil en Sibérie sans travaux forcés (na possélénié). La jeune fille était décidée à le suivre et à se marier avec lui. Elle avait également des idées terroristes auxquelles elle tâchait de me convertir. J’allais la voir souvent, feignant de m’intéresser à ces idées qui me laissaient bien froid, mais attiré, en réalité, par elle érotiquement. Je ne lui déclarais pas mes sentiments, d’abord parce que j’ai toujours été timide, ensuite parce qu’elle s’était promise à un autre. Mais ce fut elle-même qui rompit la glace d’une façon assez originale.

À cette époque un livre, traduit de l’anglais, jouissait d’une grande vogue auprès de la jeunesse des écoles russes. Je remarquerai, en passant, qu’il conserve cette vogue encore aujourd’hui, car les intellectuels russes sont très constants dans leurs prédilections livresques (ils lisent encore l’ouvrage de Buckle comme s’il datait d’hier) et sont capables de se passionner simultanément pour les opinions les plus opposées, pour Marx et Nietzsche, pour Bebel et Weininger, pour Tolstoï et B. Shaw, non à cause d’une grande largeur d’esprit, mais à cause du manque de clarté dans les idées, du