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APPENDICE

plus subtiles que celles de l’antiquité. Voilà ce qu’oublient les nombreux auteurs qui flétrissent le christianisme au nom de l’érotisme triomphant et des droits de la chair. La titillation purement physique dans les relations sexuelles n’est rien ou presque rien à côté de l’excitation psychique et du prurit mental : or, le christianisme a précisément exaspéré ce côté psychique de la jouissance charnelle, il a ouvert une carrière immense à l’imagination sexuelle, et il me semble que chez l’homme civilisé, les plaisirs sexuels tirent toute leur valeur et tout leur attrait de l’imagination : sans elle, l’acte sexuel n’est ni plus ni moins agréable que la défécation ou, tout au plus, que le boire et le manger pour les personnes non gourmandes. La pudeur féminine est un aphrodisiaque pour l’homme, mais seulement quand elle se laisse vaincre par la voluptuosité de la même personne. Quand je suis au lit avec une femme comme il faut, ce qui m’excite le plus, c’est cette idée qu’il se passe quelque chose de paradoxal, d’invraisemblable : voilà une femme qui considère comme quelque chose de terrible le fait de montrer certaines parties de son corps : elle les cache à tout le monde, surtout aux hommes, elle les considère comme honteuses, elle n’ose pas les nommer… Et pourtant cette même femme les montre maintenant à un homme et à celui-là précisément à qui elle devrait s’obstiner le plus à ne pas les montrer, car c’est l’homme qu’elle aime, c’est-à-dire celui qui l’intimide et la trouble le plus et celui qui les regarde de l’œil le moins indifférent, le plus lascif ; et cet homme, non seulement regarde ces parties, il les touche, les manie, les excite par des attouchements ; il les touche non seulement avec la main, mais avec une partie du corps qui est également honteuse aux yeux de la femme et que celle-ci, normalement, a peur non seulement de toucher, mais de voir, de nommer, à laquelle elle ne devrait jamais penser (telle est, du moins, la convention), et le contact n’est pas seulement superficiel, l’homme introduit sa partie la plus honteuse dans la partie la plus honteuse de la femme… Et cette violation de la pudeur est d’autant plus piquante qu’elle est temporaire. Une heure plus tôt ou une heure plus tard,