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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

le coït, je me figurais que leur clitoris devait être en érection et que leur vulve commençait à sécréter le mucus. De plus, les femmes ne parlent pas de ces choses de la même façon que les hommes : elles emploient rarement le mot propre, mais se servent, le plus souvent, de circonlocutions, d’euphémismes, de métaphores qui, par leur nature même, ont un caractère pittoresque, imagé, suggestif et excitent la pensée bien plus que les termes techniques et exacts. Les très jeunes filles surtout, ne connaissant pas le vocabulaire érotique technique (scientifique ou populacier) ou n’osant pas l’employer, sont obligées de faire des efforts d’imagination pour décrire nettement les choses, inventent des comparaisons, suggèrent des images frappantes, se troublent et rougissent ; tout cela est très excitant. Chacune raconte les choses à sa manière, par conséquent au moyen d’images nouvelles ; or la nouveauté des sensations, des images, des mots même est un élément essentiel de l’acuité des sensations sexuelles : un livre pornographique monotone cesse d’être excitant au bout de quelques pages ; il ne faut pas qu’il raconte des aventures semblables et en termes semblables.

Chez moi, comme, sans doute, chez toutes les personnes nerveuses, l’imagination constitue l’élément le plus important du plaisir sexuel. Je ne puis pas jouir si je ne me représente la jouissance éprouvée par la femme. Il me serait impossible de coïter avec une femme endormie ou évanouie. Et l’idée seule qu’une femme éprouve une émotion sensuelle suffit pour me faire moi-même jouir (bien que cette jouissance n’aille pas jusqu’à l’éjaculation). L’idée de la jouissance masculine m’est, au contraire, indifférente : les émotions érotiques de l’homme n’éveillent en moi aucune sympathie.

Les idées ou (si l’on veut) les préjugés spiritualistes rendent les jouissances sexuelles plus aiguës et plus variées. C’est ce que Huysmans (en parlant de l’art de Rops) a exprimé avec exagération et grosso modo en soutenant que la grande et profonde luxure n’est pas possible sans le diable, et ce que Renan fit remarquer avec une finesse exquise en glorifiant le christianisme comme le maître des voluptés érotiques