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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

On pouvait aussi voir pas mal de choses au village. Une fois, en entrant brusquement avec mon cousin dans une salle des communs (c’était une buanderie, je crois), je vis un jeune cocher qui coïtait, par terre, une de nos servantes. « Eh, que faites-vous là ? » s’écria mon cousin. « Nous coïtons », répondit le cocher (en employant, naturellement, le terme le plus grossier qui exprime cette idée) et continua tranquillement son travail jusqu’à ce que mon cousin, à coups de pied dans le derrière, l’eût obligé à lâcher prise et à se lever. La servante rabattit ses jupons et s’en alla sans paraître confuse le moins du monde. J’ai su d’autre part que les veillées du village (les vétchernitsy, « vesprées », en petit russien), — réunions soirales et nocturnes de jeunes filles et de jeunes hommes célibataires, pendant lesquelles le beau sexe travaille (file, brode, etc.) et les jeunes soupirants font de la musique, chantent ou tâchent de faire rire les dames par des histoires plaisantes — se terminaient d’une façon particulière : on attendait que les lumières s’éteignissent, faute d’aliment, et on les aidait quelquefois à s’éteindre, puis chacun asseyait sur ses genoux sa voisine et la masturbait tout en se laissant masturber par elle dans l’obscurité. Après quoi chacun rentrait chez soi, content de la vesprée. La grossièreté des mœurs rurales peut être mise en lumière par un épisode de la chronique de notre village, épisode dont je n’ai pas été le témoin, étant arrivé au village quelques semaines plus tard, mais dont je puis garantir l’authenticité, la chose s’étant passée publiquement et, pour ainsi dire, officiellement. Parmi les jeunes paysans, il y avait un gars de vingt ans au sujet duquel les filles firent courir le bruit qu’il n’avait qu’un seul testicule. Ce furent des railleries sans fin : dès qu’il apparaissait dans une réunion où il y avait des jeunes filles, celles-ci s’éloignaient de lui comme d’un pestiféré, en lui criant : « l’homme à un seul testicule ! » (odnoyaïts, μνοσρχις, de odno un seul et yaïtso, testicule) ! Navré, il se plaignit de cette calomnie au tribunal communal, volostnoï soud, composé de paysans souvent absolument illettrés, de sorte que toute la procédure se faisait verbalement, et qui pourtant