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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

Parmi les connaissances qui de Kieff venaient nous faire visite dans notre villa, il y avait une famille un peu équivoque, mais dont mes parents ne se défiaient pas assez. Le chef de cette famille était un ancien camarade de collège de mon père qui, l’ayant perdu de vue depuis sa jeunesse, le rencontra par hasard, cette année même à Kieff. Ce monsieur, après toutes sortes d’aventures et d’avatars, devint directeur d’une troupe de théâtre dramatique qui était loin de faire des affaires brillantes et qui venait d’arriver à Kieff, après avoir parcouru toute la Russie, depuis l’Océan Pacifique jusqu’à la Mer Noire. Mon père considérait son ami d’enfance comme un bohème incorrigible et désordonné, mais comme un brave cœur et, en tout cas, inoffensif. Ayant retrouvé, par hasard, mon père, cet aventurier ne le lâchait plus, comptant sur sa générosité pour lui demander des services pécuniaires. En cela il ne se trompa pas. Sa femme était une Roumaine, une ancienne chanteuse d’opérette ou même de café-concert. Elle avait auprès d’elle deux demoiselles ; sa fille qui avait alors 18 ans et sa nièce de 16 ans. Avec un sans-gêne de bohème ces quatre personnes s’introduisirent dans notre famille et vinrent constamment dîner chez nous sans être invitées, comme c’est, du reste, l’usage en Russie. (C’est même un des principaux traits qui distinguent la vie domestique russe de celle des Européens occidentaux). On pourrait se demander comment mes parents, personnes plutôt austères, ont admis dans leur intimité ces individus dont le passé était en grande partie obscur et même suspect et qui, dans tous les cas, appartenaient à un tout autre monde. À cela il est facile de répondre. En premier lieu, il y a en Russie, même dans la société plus aristocratique que celle à laquelle appartenaient mes parents, une certaine simplicité des mœurs, une certaine familiarité, un laisser-aller, qu’on ne connaît pas dans l’Europe occidentale et qui enlève quelquefois aux gens les moyens de se prémunir contre l’intrusion des importuns. La raideur des relations sociales anglaises n’existe pas chez nous. Même dans la haute aristocratie russe, l’esprit de caste est bien moins sensible que dans