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APPENDICE

retenus, en petits perroquets que nous étions, au hasard de nos multiples et confuses lectures. Quel dommage que cette remarquable conversation au jardin public n’ait pas pu être sténographiée !

Jamais il ne m’est arrivé alors de parler avec mes camarades de choses sexuelles. Mon ami le plus intime (le petit amateur des mots savants) était aussi innocent que moi. Voyant les chiens s’accoupler dans la rue, nous ne comprenions rien à ce phénomène ; voyant qu’ils ne pouvaient pas se décoller et ne sachant pas du tout qu’ils étaient « collés » par les organes sexuels, nous croyions que c’était une espèce de maladie et tâchions de séparer les pauvres bêtes à coups de pied. Un jour j’ai demandé à mon père l’explication de cette « maladie » et lui racontai mes efforts pour séparer les animaux. Il ne me donna aucune explication, mais me dit de laisser les chiens tranquilles, ce que je fis.

Étant en première classe du gymnase et ayant un peu plus de 10 ans, j’ai failli faire un pas décisif dans la voie de la « geschlechtliche Aufklärung[ws 1] », comme disent les Allemands. Nous avions à cette époque une servante qui s’appelait Macha (diminutif de Marie). C’était une florissante campagnarde de 18 ou 20 ans, bien différente de la citadine Pélagie. Tandis que cette dernière ne donnait aux enfants que des leçons de bonté et de religion, Macha entreprit mon « instruction sexuelle ». À cette époque, tous les soirs je me retirais dans ma chambre, où était ma table de travail, pour préparer mes leçons, ce qui était vite fait, et pour lire ensuite à mon aise. Mes parents ne venaient jamais me déranger. Mais Macha prit l’habitude d’y venir me tenir compagnie après le thé du soir. Au commencement, j’étais content de cette société. Désireux de répandre autour de moi les lumières de la science, j’essayais d’instruire la servante en lui expliquant les mystères de l’astronomie, en lui exposant ce que je savais en histoire et en géographie, en lui montrant des images, etc. Mais Macha avait peu d’inclination pour les connaissances encyclopédiques et leur préférait certaines notions d’anatomie et de physiologie. Ainsi, quand, en lui parlant

des faits historiques, je mentionnais des mariages ou des amours,

  1. note de wikisource : éducation sexuelle