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APPENDICE



Des petites filles des familles nobles voisines venaient souvent dans la maison de mon oncle. Mais je ne daignais pas jouer, ni converser avec elles ; d’abord, je me croyais trop savant, trop grand personnage, ensuite je méprisais profondément les femmelettes incapables de prendre part à mes sports. Les dames m’embrassaient volontiers : à cela rien d’étonnant, j’étais joli comme un amour, rose et joufflu avec des cheveux blonds naturellement bouclés et de grands yeux bleus. Mais je détestais ces caresses qui, du reste, ne faisaient sur moi aucune impression sexuelle. Jusqu’à l’âge de 11 ans 1/2 je n’ai jamais eu aucune émotion génésique, jamais la moindre érection. Mes sentiments affectifs n’avaient aucune nuance sexuelle non plus. J’aimais les personnes qui m’entouraient, hommes et femmes, mais ne m’enamourais de personne et n’avais pas d’attachements exclusifs.

Je quittai la campagne pour passer l’examen d’entrée au gymnase. L’examen fut pour moi un triomphe, j’eus la note maximum pour tout et les professeurs me complimentèrent. En entrant dans la première classe du gymnase, je n’avais pas tout à fait 10 ans. Mes études pendant les deux premières années furent brillantes. Je n’avais jamais d’autre note que 5 (le maximum dans les gymnases russes) et étais toujours inscrit au tableau d’honneur ou tableau d’or, comme on dit en Russie : c’est une planche rouge dans un cadre doré, sur laquelle sont inscrits les noms des meilleurs élèves : il n’y en a guère plus d’un par classe et quelquefois aucun élève d’une classe n’est jugé digne de cette distinction. L’élève qui termine ses études après avoir été au tableau d’or pendant la dernière ou les dernières années, reçoit une médaille d’or. J’étais naturellement élève externe, mais mes parents ne m’aidaient jamais dans la préparation de mes leçons et dans mes exercices scolaires. Ils étaient heureux d’entendre dire au directeur du gymnase que j’étais un sujet d’orgueil pour l’établissement, surtout à cause de mes compositions que les professeurs lisaient aux élèves des classes supérieures pour l’édification de ces derniers et pour leur faire honte de leur infériorité. Ma traduction en prose latine d’une poésie de Lermontoff intitulée Le Prophète (je ne connaissais pas alors,