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L’ÉTAT PSYCHIQUE PENDANT LA GROSSESSE

rait si on voyait quelque relation entre ma pudeur hystérique et la vie sexuelle.

Dans l’impudeur je ne voyais qu’un manquement aux convenances sociales, une insulte à la bonne éducation. Je savais que se montrer nu aux femmes était chose choquante, vilaine, grossière, mais absolument comme ne pas quitter son chapeau en entrant dans une maison étrangère. Ce qui prouve l’exactitude de cette explication, c’est que dans mes rêves torturants je me voyais plus souvent tout simplement sans bottines dans un salon que déshabillé et pourtant le premier cauchemar me faisait souffrir autant que le second. Je me serais fait plutôt tuer que de consentir à me promener dans la rue sans chapeau, ce que mes petits camarades faisaient sans la moindre gêne. Et celui qui, par la contrainte, m’aurait obligé de traverser la ville sans chapeau m’aurait fait subir un supplice aussi terrible que celui qui m’aurait promené tout nu. J’étais (et le suis encore) affligé d’un immense amour-propre et ma pudeur en était une conséquence. Se montrer nu, comme se trouver sans chaussures ou sans chapeau, c’était se présenter dans une situation ridicule : ce n’était que cela. Dire un gros mot, c’était se montrer mal élevé. Cet état de mon âme enfantine était peut-être dû à l’influence de mon père qui était un gentleman accompli, poussant la correction extérieure jusqu’au cant[ws 1], très minutieux dans tout ce qui concernait les devoirs mondains : cet attachement aux conventions, aux règles traditionnelles de l’étiquette dans la vie extérieure était même contradictoire avec ses idées sociales et politiques ultraradicales et ultradémocratiques. La peur du ridicule (au point de vue mondain) m’a accompagné pendant toute mon existence. Chose singulière : quand aujourd’hui je me ressouviens de quelque maladresse mondaine, quelque balourdise que j’ai commise étant enfant (un coup de chapeau non rendu à temps, un salut ridicule, une question intempestive, une réponse maladroite, une inconvenance par distraction, etc.), j’en souffre comme si la chose s’était passée hier et souvent, en pensant à ces choses-là, je ne puis retenir un cri ou un

gémissement. Je l’avoue à ma honte : des souvenirs de ce genre me

  1. Note de wikisource. Cf. Dictionnaire encyclopédique Quillet, 1934, p. 674 : « n. m. (mot anglais). Mélange de pruderie dévote, d’orgueil national et de solennité pédantesque particulier aux Anglais, surtout à l’époque victorienne. »