Page:Études de psychologie sexuelle, tome VI (extrait), Confession sexuelle d’un Russe du sud, 1926.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
APPENDICE

que j’avais vu et n’ai pas ressenti l’ombre d’une émotion génésique. C’est comme si j’avais vu les enfants se frotter les uns aux autres le nez.

Je me souviens que, quelque temps après cet incident, et de notre retour à Kieff, ma tante venant d’arriver de la campagne, causait avec ma mère sans savoir que je les entendais. Elle disait avoir découvert qu’Olga qui, à la campagne, dormait sur la terrasse à cause des chaleurs estivales, avait été continuellement visitée la nuit par un garçon de 12 ans, le fils du cocher, qui s’introduisait dans son lit « pour lui faire des saletés ». Après le scandale du Caucase, je compris de quelles « saletés » il s’agissait. Et ma mère de dire à ma tante : « Ah, je comprends maintenant pourquoi Olga est arrivée ici si jaune et avec des bleus sous les yeux. » J’en conclus que faire des « saletés » était nuisible à la santé.

À cette époque et jusqu’à l’âge de 11 ans j’étais excessivement pudique. Cette pudicité n’avait aucune base sexuelle et était, je crois, purement imitative, mais je croyais que c’était chose effroyable que de se montrer à une personne du sexe féminin non seulement nu, mais même en chemise et en caleçons. À partir de 7 ans, j’eus une chambre pour moi tout seul et je me souviens de la terreur que j’ai éprouvée quand notre femme de chambre faillit me surprendre pendant que je changeais de chemise. Depuis ce moment je m’assurai toujours avec soin si ma porte était bien fermée, avant d’uriner, de me déshabiller, etc. Ce qui me fait croire qu’il n’y avait rien de sexuel en cela, c’est que je connais des cas d’enfants de 4 et même 3 ans éprouvant les mêmes terreurs pudiques : c’est un phénomène d’imitation et de suggestion : les enfants voient les grandes personnes se cacher pour se déshabiller, pour faire leurs besoins, etc., entendent les cris des dames sur le point d’être surprises en déshabillé et en concluent qu’être vu peu ou point vêtu est chose terrible. Les impressions de cet âge sont si profondes, si tenaces ! Mon père, pour m’inspirer le courage physique, parlait devant moi avec mépris des garçons faibles, poltrons, qui sont comme des « femmelettes » : cela fit sur moi une profonde impression que jusqu’à l’âge d’homme je considérai la