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APPENDICE

années dans les fumées de la luxure. Pendant cette période, au milieu des jouissances physiques, j’ai été très malheureux. J’ai dû renoncer à la femme que j’aimais et à l’espoir de fonder une famille (par un caprice des circonstances extérieures, j’ai mené une existence absurde, étant fait, cependant, — j’en suis convaincu, — pour une tranquille vie monogamique), j’ai eu des maladies vénériennes qui m’ont cruellement fait souffrir, physiquement et moralement, je suis devenu masturbateur… Et dire que, depuis mon enfance, Les maladies vénériennes et la masturbation étaient les choses que je craignais le plus ! J’ai acquis des passions honteuses et ridicules, ma santé générale, depuis que j’ai cessé d’être continent, est redevenue mauvaise. Mon système nerveux est détraqué. J’ai des insomnies fréquentes et des cauchemars. Le coït lui-même est devenu pour moi rien qu’un excitant à la masturbation. Je me méprise moi-même. Ma vie n’a pas de but et j’ai perdu tout intérêt pour les choses honnêtes. J’accomplis mon travail professionnel avec indifférence et il me devient de plus en plus difficile de m’en acquitter consciencieusement. Un travail que je faisais autrefois très aisément demande aujourd’hui de moi un effort pénible. L’avenir m’apparaît sous des couleurs de plus en plus sombres.

Mon père est mort il y a quatre ans, un an après notre voyage commun en Angleterre où il fut écœuré par l’amour du public anglais pour les sports et par le modérantisme des « prétendus » radicaux anglais. En mourant, il ne m’a laissé aucun héritage — la propriété qu’il avait eue s’étant effondrée depuis longtemps sous le poids des hypothèques surhypothéquées ; quant à ce qu’il gagnait par son travail, il le dépensait à mesure, d’une façon qui, du reste, n’était que partiellement égoïste. Dans ces dernières années, j’ai eu l’occasion de revoir la Russie deux fois. J’ai pu constater qu’à Kieff le trafic des fillettes impubères est à présent presque aussi développé qu’à Naples. Il se fait seulement avec moins d’élégance, en vue des bourses plus modestes… Les familles bien s’occupant de ces choses-là ne sont pas une spécialité kiévienne.