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Dost-Mohammed mourut en 1863, et immédiatement des luttes sanglantes mirent aux prises les membres de sa famille. Schere-Ali, successeur désigné de son père, eut à combattre successivement ses trois frères Mohammed-Azim, Mohammed-Afzal et Mohammed-Amin, et ce ne fut qu’en 1869, après sa victoire de Ghazni, qu’il put se considérer comme maître du pays. Pendant ces guerres civiles, Schere-Ali avait été puissamment secondé par son fils Yacoub-Khan ; il voulut le récompenser en lui donnant la vice-royauté de Hérat ; mais Yacoub, très-populaire à cause de son courage et de son talent, devint peu à peu si puissant que son père en prit ombrage, et désigna, en 1873, pour lui succéder en cas de mort, Abdoullah-Djan, fils de sa femme favorite. C’était frustrer Yacoub-Khan ; un de ses oncles, chef d’une des plus importantes tribus du Khyber, protesta les armes à la main, et fit reculer les troupes que Schere-Ali avait envoyées à sa rencontre ; aussitôt l’émir feignit de pardonner, et appela son fils à Caboul où il le retint jusqu’à ces derniers temps dans une prison dorée.

Pendant ces guerres civiles, le gouvernement des Indes, tout en conservant une passivité magistrale, « masterly inactivity », n’avait cessé cependant d’accueillir avec empressement toutes les occasions qui se présentaient d’entretenir de bons rapports avec Schere-Ali, lequel n’avait reçu toutes ces avances qu’avec la plus grande froideur, refusant, chaque fois que la proposition lui en était faite, de recevoir des officiers anglais comme représentants accrédités de leur gouvernement auprès de sa personne.

En 1872, le général Goldsmid ayant été choisi pour arbitre entre l’Afghanistan et la Perse, dans la question du partage de Seistan, rendit un jugement qui ne satisfit ni l’une ni l’autre des doux puissances, et qui resta un motif de rancune sérieuse pour Schere-Ali à l’égard de l’Angleterre.

Cependant, en 1873, la prise de Khiva par les Russes et la complète soumission de ce khanat à la Russie, effrayèrent l’émir de Caboul, qui se décida à faire part de ses appréhensions au vice-roi des Indes.

Les événements qui se succédaient alors dans le Turkestan auraient dû peut-être engager l’Angleterre à sortir de sa passivité. Cependant celle-ci, « jugeant que le but de l’émir était simplement de s’assurer définitivement de la mesure dans laquelle il pouvait compter sur l’aide du gouvernement britannique si ses territoires venaient à être menacés par la Russie, crut devoir se borner à lui assurer que, à de certaines conditions, le gouvernement de l’Inde l’aiderait à repousser toute agression non provoquée. L’émir insista, mais le gouvernement anglais ne partageait pas ses appréhensions, et lord Northbrook, le vice-roi, l’informa définitivement que la dis-