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les terribles défilés qui devaient littéralement lui servir de tombeau. Cette foule mélangée d’Européens et d’Asiatiques, combattants et non-combattants, sans provisions, sans artillerie suffisante, presque sans vêtements, n’était pas plus capable de supporter la froide température des montagnes que de lutter contre l’ennemi. Dès la première nuit, des hommes furent gelés au bivouac. La faim, le fer et le plomb des Afghans, traîtres à leur parole, complétèrent l’œuvre de destruction, et des 17,000 hommes qui quittèrent Caboul dans la fatale matinée du 6 janvier, un seul, le docteur militaire Brydon, épuisé par ses blessures et ses fatigues, monté sur un âne, échappa pour porter à la garnison de Djellalabad la nouvelle de l’immense massacre. En vain, pendant les journées qui suivirent, des détachements de la garnison anglaise parcoururent les environs de la forteresse ; en vain, au milieu du silence et des ténèbres de la nuit, les clairons sonnèrent sur les remparts, des fusées furent tirées dans les airs pour signaler aux survivants le port de refuge, — le docteur Brydon n’eut pas de compagnon.

« La belle défense de Djellalabad, sous le brigadier sir Robert Sale, permit au gouvernement de l’Inde de réparer ce grand désastre. Après deux mois d’un siège où les cipayes du Bengale rivalisèrent de loyauté et de courage avec les soldats de l’armée de la reine, la garnison de Djellalabad fut délivrée par les forces du général Pollock. La vengeance des Anglais, favorisée par les dissensions des Afghans, ne s’arrêta pas là, et, vers le milieu de juillet, deux corps d’armée, sous les ordres des généraux Nott et Pollock, envahissaient de nouveau l’Afghanistan. Les soldats anglais, en traversant les montagnes, retrouvèrent les muets témoignages de la catastrophe des premiers jours de l’année. À chaque pas, des squelettes décapités attestaient la férocité des vainqueurs acharnés à l’œuvre de sang. Le succès le plus complet couronna cette seconde entreprise. Les Anglais réoccupèrent en maîtres Caboul, Ghazni, et ne commencèrent leur mouvement de retraite en octobre qu’après avoir rasé les principales forteresses du pays, livré aux flammes le Bala-Hissar (citadelle et palais royal de Caboul), et obtenu la mise en liberté de soixante prisonniers, seuls survivants du massacre, et la plupart femmes ou enfants. Parmi eux, lady Sale, femme du brave défenseur de Djellalabad, et qui depuis a retracé, en des pages d’une touchante et héroïque simplicité, l’histoire des événements militaires, de la retraite et de la captivité des prisonniers anglais[1]. »

Après avoir relevé le prestige de leurs armes, les Anglais conclurent un traité de paix avec Dost-Mohammed et vécurent par la suite en bonne intelligence avec lui.

  1. M. de Valbezen, Les Anglais et l’Inde.