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ne lui restait plus d’autres ressources que d’opérer sa retraite ; elle fut exécutée avec honneur, et il traversa l’Indus après avoir brûlé préalablement quelques-uns de ses équipages de campagne ; néanmoins il en laissa la plus grande partie qui fut pillée par les Sicks. Depuis ces désastres éprouvés dans les plaines de Tchatch, la puissance des Afghans est disparue de la rive orientale de l’Indus[1]. »

L’attention de Fethi-Khan dut bientôt se porter d’un autre côté ; la Perse exigeait un tribut de la province de Hérat et menaçait de prendre les armes si elle n’obtenait immédiatement satisfaction. Le grand vizir se dirigea aussitôt sur Hérat, fit enfermer le gouverneur de la province qui n’était autre cependant que Hadji-Firouz, frère de son maître, et mit la place en état de défense ; quelques semaines après l’armée persane était complétement battue par Fethi-Khan.

Ce succès ne fit qu’augmenter la faveur et le pouvoir du grand vizir et dès lors la haine de ses ennemis ; le prince Kamran réussit à persuader à son père qu’il était temps de se débarrasser de cet homme devenu trop puissant, et obtint l’autorisation de le faire arrêter. Fethi-Khan fut pris près de Candahar ; on lui creva les yeux, puis il fut traîné à Caboul (1818) ; immédiatement ses frères firent un appel aux armes pour le venger.

« La tragédie qui termina la vie de Feth-Ali-Barahzi (Fethi-Khan) est peut-être sans égale dans les temps modernes. Aveugle et enchaîné, il fut amené à la cour de Mahmoud, où il avait si récemment exercé un pouvoir absolu. Le roi lui reprocha ses crimes et lui enjoignit d’user de son ascendant sur ses frères pour qu’ils rentrassent dans le devoir. Fethi-Khan répondit avec calme et courage qu’il n’était plus qu’un aveugle et ne se mêlait plus des affaires de l’état. Mahmoud, irrité de sa constance, donna le signal de sa mort, et cet infortuné fut littéralement coupé en morceaux par les nobles de la cour ; ils finirent par lui abattre la tête. Fethi-Khan endura tous ces tourments sans pousser un soupir, et montra la même indifférence, le même mépris, la même insouciance pour sa propre vie qu’il avait si souvent témoignés pour l’existence d’autrui. Les restes de ce malheureux furent réunis dans une toile et envoyés à Ghazni, où ils reçurent la sépulture[2]. »

La mort de Fethi-Khan enleva à Mahmoud tout son prestige et toute son autorité ; aussi la chute du ministre fut-elle suivie de près par celle du souverain. Une petite insurrection ayant éclaté dans le Caboulistan, le roi n’osa y tenir tête, s’enfuit à Hérat et se plaça sous la protection de la Perse. Il mourut en 1829, laissant sa succession à son fils Kamran.

  1. Idem.
  2. Capitaine Burnes, traduction de M. Eyriès.