Page:Étude militaire, géographique, historique et politique sur l'Afghanistan.pdf/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 93 —

la dernière guerre ; quatre interprètes et vingt-deux cosaques, voilà toute l’escorte qui avait accompagné le général Stoliétof et lui avait permis d’arriver sans encombre jusqu’à Caboul. Y avait-il donc là motif sérieux pour émouvoir l’opinion anglaise, troubler le cabinet britannique, faire sortir l’administration anglo-indienne de son sang-froid, annoncer au Parlement que l’envoi d’une mission égale en prestige et en force à la mission russe avait été résolue, et décider du même coup de faire accompagner la mission anglaise par une véritable petite armée ?

Sans vouloir insister sur les idées développées à ce sujet par la presse russe et sur tous les récits faits dans l’intérêt de chacune des causes, je citerai cependant un article d’un journal de Saint-Pétersbourg, le Rousski-Mir (Monde russe), publié dans la première quinzaine d’octobre 1878, sous la forme d’une correspondance particulière de Taschkend, et qui contient des informations fort intéressantes et d’un caractère évidemment officieux sur l’histoire et les résultats de la mission russe :

« Le 16 septembre (du style russe), vers midi, une mission afghane est arrivée dans notre ville. Pour faire comprendre à quel enchaînement de circonstances nous devons cette surprise, il faut un peu remonter en arrière et commencer par dire que dès le 14 juillet (2 juillet à la russe) le général-major Stoliétof, avec le colonel Rozgonof, quatre interprètes et vingt-deux cosaques, était parti de Samarkand pour Caboul.

« D’après des renseignements puisés à bonne source, je puis vous communiquer que notre mission avait pour objet de nouer des relations commerciales directes tant avec l’Afghanistan qu’avec l’Inde, et en outre d’exprimer à l’émir Schere-Ali notre gratitude pour la manière dont il avait agi envers la Russie pendant la guerre russo-turque. Le 18 juillet (6 du vieux style) notre mission atteignit la ville de Mazari-Chériff, dont le gouverneur avait reçu de l’émir ordre d’accompagner nos envoyés jusqu’à Caboul ; mais comme ce gouverneur était justement tombé malade, on crut devoir attendre son rétablissement. La guérison espérée ne vint pas, et sept jours après l’arrivée du général Stoliétof, le gouverneur mourut. Notre mission poursuivit alors son chemin, accompagnée seulement par des guides.

« Le 11 août (29 juillet) elle était arrivée à Caboul, où l’émir donnait l’ordre de la loger dans une aile de son palais. Le lendemain, l’émir, entouré de tous ses ministres et des autres personnages de sa cour, la reçut solennellement. Il fut très-aimable et prescrivit à ses ministres de montrer aux Russes tout ce qu’il y a de remarquable à Caboul. Il offrit à la mission plusieurs dîners de gala et le spectacle d’une grande revue. Il y a en tout 40,000 hommes de