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de civiliser les contrées qui l’avoisinent sur le continent asiatique. Les progrès de la civilisation n’ont pas d’agent plus efficace que les relations commerciales. »

À l’époque où parut cette note, la frontière russe allait déjà du Syr-Daria au lac Issyck ; mais depuis, comme avant, et en vertu toujours des raisons développées ci-dessus, le gouvernement russe a entrepris de nombreuses campagnes qui ont englobé dans ses possessions tour à tour Taschkend, Khokand, Samarkand, etc. Cette extension continuelle des frontières russes vers le sud ne pouvait manquer d’inspirer des craintes à l’Angleterre ; 1,500 kilomètres séparaient la Russie des Indes, il y a quatre-vingts ans ; aujourd’hui la distance entre les deux empires n’est plus que de 500 kilomètres à peine.

Moins d’un an après l’envoi de la circulaire du prince Gortchakoff, le 28 juin 1865, Taschkend tombait entre les mains des Russes ; ce fut en vain que le gouverneur général d’Orenbourg lança une proclamation dans laquelle il était dit que le czar n’avait aucun désir de conquêtes nouvelles, que le czar lui-même et le prince-chancelier donnaient les mêmes assurances à l’ambassadeur de Londres à Saint-Pétersbourg, toutes ces déclarations ne purent calmer les craintes si brusquement réveillées de l’Angleterre, et ce fut d’un œil de plus en plus anxieux qu’elle regarda la frontière civilisatrice s’enfoncer chaque jour davantage dans le Turkestan et enserrer Samarkand ; bientôt l’émir de Bouckhara fut obligé de se reconnaître tributaire de la Russie, dont l’empire ne fut plus séparé de celui des Indes que par la partie la plus étroite du Turkestan oriental et par l’Afghanistan.

C’est alors que le gouvernement anglais conçut le projet de faire considérer l’Afghanistan comme une sorte de zone neutre. La Russie accepta la discussion sur ce terrain, et, à ce sujet, le prince Gortchakoff écrivait le 7 mars 1869 à l’ambassadeur de Russie à Londres, le baron Brunnow : « Veuillez bien donner de nouveau au premier secrétaire d’état de S. M. britannique, l’assurance positive que l’empereur considère l’Afghanistan comme étant complétement en dehors de la sphère dans laquelle la Russie peut être appelée à exercer son influence. »

Les négociations s’engagèrent dès le mois d’avril 1869 ; lord Clarendon, au nom du gouvernement anglais, proposait de fixer à l’Amou-Daria la limite septentrionale de la zone neutre, mais le chancelier de Russie ne voulut pas admettre de telles prétentions et demanda qu’on se bornât à examiner la question de l’Afghanistan proprement dit, considéré comme zone neutre ; en même temps le prince Gortchakoff affirmait encore au cabinet de Londres qu’aucune intervention ou ingérence quelconque contraire à l’indépendance de l’Afghanistan n’entrait dans les idées de l’empereur ; il ajoutait