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gnifique, et il y garda son fils. Il avait fait peindre, pour le distraire, des animaux de toute sorte, parmi lesquels figurait aussi un lion. Mais la vue de toutes ces peintures ne faisait qu’augmenter l’ennui du jeune homme. Un jour s’approchant du lion : « Mauvaise bête, s’écria-t-il, c’est à cause de toi et du songe menteur de mon père qu’on m’a enfermé dans cette prison pour femmes. Que pourrais-je bien te faire ? » A ces mots, il asséna sa main sur le mur, pour crever l’œil du lion. Mais une pointe s’enfonça sous son ongle et lui causa une douleur aiguë et une inflammation qui aboutit à une tumeur. La fièvre s’étant allumée là-dessus le fit bientôt passer de vie à trépas. Le lion, pour n’être qu’un lion en peinture, n’en tua pas moins le jeune homme, à qui l’artifice de son père ne servit de rien.

Cette fable montre qu’il faut accepter bravement le sort qui nous attend, et ne point ruser avec lui, car on ne saurait y échapper.

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L’ENFANT VOLEUR ET SA MÈRE


Un enfant déroba à l’école les tablettes de son camarade et les apporta à sa mère, qui, au lieu de le corriger, le loua. Une autre fois il vola un manteau et le lui apporta ; elle le loua encore davantage. Dès lors, croissant en âge et devenu jeune homme, il se porta à des vols plus importants. Mais un jour il fut pris sur le fait ; on lui lia les mains derrière le dos, et on le conduisit au bourreau. Sa mère l’accompagnait et se frappait la poitrine. Il déclara qu’il voulait lui dire quelque chose à l’oreille. Aussitôt qu’elle se fut approchée, il lui saisit le lobe de l’oreille et le trancha d’un coup de dents. Elle lui reprocha son impiété : non content des crimes qu’il avait déjà commis, il venait encore de mutiler sa mère ! Il répondit : « Si au temps ou je t’apportai pour la première fois la tablette que j’avais volée, tu m’avais battu, je n’en serais pas venu au point où j’en suis : on ne me conduirait pas à la mort. »