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au IVe siècle, parce qu’Aristote fait mention de la fable indienne, il reste toujours à la Grèce une avance de quatre siècles. Or pendant ces quatre siècles, le genre de la fable s’est constitué sur le sol hellénique, et a revêtu dès lors la forme qui a servi de modèle à tous les successeurs d’Ésope anonymes ou connus. Au reste la question est beaucoup moins importante qu’on ne pourrait le croire. Entre les deux recueils, celui d’Ésope et le Pantcha-Tantra, il y a juste un peu plus de trente fables parallèles, et encore elles ne sont pas tellement semblables qu’on puisse en conclure une dépendance directe. Là où la ressemblance est exacte, il faut accorder la priorité à la Grèce pour toutes les fables antérieures au IIIe siècle. C’est seulement alors que les deux civilisations se sont trouvées en contact et sont devenues tributaires l’une de l’autre.


La fable vient-elle d’Assyrie ?

Dans le prologue du livre qu’il dédie au fils du roi Alexandre, Babrius dit : « La fable, ô fils du roi Alexandre, est une ancienne invention des Syriens qui vivaient sous Ninus et Bélus. » Il faut entendre par Syriens les Assyriens. Nous avons vu plus haut que le conte d’Ahikar avec les fables qu’il contient était en effet venu d’Assyrie, et avait pu être connu des Grecs dès l’époque alexandrine ; peut-être Babrius en avait-il lu une traduction ; mais il ne semble pas en avoir rien tiré, et d’ailleurs cet apport assyrien était trop tardif et trop mince pour qu’on pût y fonder une opinion sur l’origine de la fable. On a fait observer aussi que le chameau figurait souvent dans les fables de Babrius et que ce poète avait stigmatisé la perfidie des Arabes ; mais les Arabes ne sont pas les Assyriens, et le chameau, qui n’est du reste pas propre à l’Assyrie, était connu en Grèce avant qu’il y fût question des fables assyriennes. Que l’assertion de Babrius repose sur la connaissance personnelle de quelques fables venues des bords de l’Euphrate ou qu’elle soit l’écho de quelque tradition, elle ne saurait se défendre contre l’antiquité de la fable grecque et l’on a peine à s’expliquer qu’elle ait eu des partisans chez les modernes.