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chant, l’autre en vue de sa table. Or lorsque l’oie dut subir le destin pour lequel on l’élevait, il faisait nuit, et le temps ne permettait pas de distinguer les deux volatiles. Mais le cygne, emporté à la place de l’oie, entonne un chant, prélude de son trépas. Sa voix le fit reconnaître et son chant le sauva de la mort.

Cette fable montre que souvent la musique fait ajourner la mort.


174
LE CYGNE ET SON MAÎTRE

Les cygnes chantent, dit-on, au moment de mourir. Or un homme étant tombé sur un cygne mis en vente, et sachant par ouï-dire que c’était un animal très mélodieux, en fit l’acquisition. Un jour qu’il donnait à dîner, il alla chercher le cygne et le pria de chanter pendant le festin. Le cygne alors garda le silence, mais un jour, dans la suite, pensant qu’il allait mourir, il se pleura dans un thrène. Son maître, l’entendant, lui dit : « Si tu ne chantes que quand tu vas mourir, j’ai été bien sot de te prier de chanter jadis au lieu de t’immoler. »

Il arrive ainsi quelquefois que, ce qu’on ne veut pas faire de bonne grâce, on le fait par contrainte.


175
LES DEUX CHIENS

Un homme avait deux chiens. Il dressa l’un à chasser et fit de l’autre un gardien du foyer. Or quand le chien de chasse sortait pour chasser et prenait quelque gibier, le maître en jetait une partie à l’autre chien aussi. Le chien de chasse mécontent fit des reproches à son camarade : c’était lui qui sortait et avait le mal en toute occasion, tandis que son camarade, sans rien faire, jouissait du fruit de ses travaux ! Le chien de garde répondit : « Eh mais ! ce n’est pas moi qu’il