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empruntés aux auteurs anciens. L’un se fait appeler Télémaque, l’autre Sténélus ou Laërte, un troisième opte pour Polycrate ou Citrouille et encore avec certains philosophes Alpha et Bêta.

Le plus divertissant de l’affaire, c’est de les voir se renvoyer mutuellement des épîtres, des vers et des panégyriques, où un sot flatte un sot, et un âne donne la réplique à un autre. — Vous êtes supérieur à Alcée, dit le premier. — Vous, réplique le second, vous valez Callimaque. — Cicéron vous cède la palme, dit l’un ; et l’autre de repartir : Platon est moins profond que vous. — Parfois ils se donnent un adversaire pour se mettre plus en relief ; alors le bon public de s’échauffer et de prendre parti pour ou contre ; tandis que les champions se prétendent vainqueurs, et chantent leur triomphe chacun de son côté. Les sages, je le sais, rient de tout cela comme d’insignes folies. En attendant, grâce à moi, tous ces fous-là sont très-heureux, et ne changeraient pas leurs triomphes contre ceux des Scipions. Mais ces sages eux-mêmes, qui se moquent si volontiers de leur prochain, croient-ils donc ne me rien devoir ? Ils seraient trop ingrats s’ils osaient le nier.


Parmi les savants, les jurisconsultes prétendent tenir le haut bout, et nuls au monde ne s’en font plus libéralement accroire. Vrais Sysiphes, qui roulent sans relâche leur rocher, ils torturent quelques milliers de lois sans s’inquiéter si elles ont quelque rapport avec leur affaire, et à grands renforts de gloses et