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satisfaisante. Ne dirait-on pas que c’est un abus capable de soulever le genre humain, que de mettre une conjonction au rang des adverbes ? — Remarquez qu’il y a autant de grammaires que de grammairiens ; mon ami Alde, pour sa part, en a donné plus de cinq. Hé bien ! pour lourdement et barbarement que ces traités soient écrits, notre homme n’en a pas laissé un seul sans le lire et le méditer ; il est jaloux du plus inepte pédant qui ait digéré quelques lignes sur cette matière ; tellement il craint de se voir enlever sa gloire et le fruit de tant d’années de travail ! Quel nom donner à cela, démence ou folie ? J’avoue que cela m’importe peu, pourvu que vous tombiez d’accord que cet animal, assez malheureux au fond, doit à mes bienfaits une félicité qu’il ne changerait pas contre le sort des rois de Perse.

Les poëtes sont peut-être moins mes obligés, bien qu’ils relèvent jusqu’à certain point de moi. Enfants de la liberté, comme dit un vieil adage, toute leur affaire est d’amuser les oreilles de fous avec de pures bagatelles et des contes en l’air. Il ne leur en faut pas davantage, non-seulement pour se croire des droits à l’immortalité, mais même pour la promettre aux héros de leurs chants. L’amour-propre et la flatterie ont fort à faire avec eux, et personne ne me rend de ce côté un culte plus vrai et plus constant.

Quant aux rhéteurs, malgré quelques infidélités et leurs accointances avec les philosophes, j’ai droit de les réclamer pour miens à plus d’un titre. Sans m’arrêtez aux autres, je