a entraîné Curtius vers le gouffre, si ce n’est la gloriole, cette douce syrène que conspuent si bien nos philosophes. Écoutez-les, ces sages. — Quoi de plus fou, vous diront-ils, que de flatter lâchement le peuple pour poser sa candidature aux honneurs, que d’acheter ses faveurs par des profusions, de se complaire à ses acclamations vénales, de se donner triomphalement en spectacle comme une idole ou de se planter au beau milieu du Forum comme une statue d’airain ? Ces noms, ces surnoms, ajoutent-ils, ces honneurs divins accordés à des gens qui méritent à peine le nom d’hommes, ces apothéoses des plus insignes tyrans, tout cela n’est-il pas bien fou, et est-ce assez d’un Démocrite pour en rire ! Eh, messieurs de la philosophie, qui vous dit le contraire ? Mais vous oubliez que vous vous attaquez justement à la source même de ces hauts faits, qu’exaltent jusqu’aux nues les orateurs et les poëtes ; vous oubliez que cette folie élève les villes, soutient les empires, les lois, la religion, les conseils, les magistratures, et qu’à vrai dire la vie humaine tout entière n’est autre chose qu’un jeu de fous.
Un mot maintenant des arts et des sciences. Qui incite, s’il vous plaît, l’esprit des hommes à chercher et à transmettre à la postérité tant de découvertes magnifiques, si on en croit leurs auteurs ? n’est-ce pas la soif de la gloire ? Leurs veilles, leurs travaux, à les entendre, sont trop payés par je ne sais quelle renommée qui est bien cependant ce qu’il y a de plus chimérique au monde. Ne le perdez pas de vue, c’est à ce genre de folie que vous