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ture, lui qui pouvait sans danger se confier aux lions féroces. Le Saint-Esprit ne descendit point sous la forme d’un aigle ou d’un épervier, mais bien sous celle d’une colombe. À chaque page des livres saints, il est question de la biche, du faon ou de l’agneau. N’oubliez pas que Jésus appelle ses élus ses brebis, et que de tous les animaux c’est sans contredit l’espèce la plus sotte. Caractère de brebis, dit Aristote, à cause de la stupidité inhérente à ces animaux, est devenu une injure grave. Tel est pourtant le troupeau dont Jésus se déclare le pasteur. À lui-même le nom d’agneau lui plaît plus que tout autre. « Voici l’agneau de Dieu, disait Jean en l’annonçant au peuple, et le mot se répète souvent dans l’Apocalypse. — Tout cela signifie que les hommes sont fous, sans en excepter les plus saints, et que Jésus lui-même a droit à ce nom, puisque la sagesse de Dieu était en lui, et qu’en se faisant homme il endossa la folie inhérente à notre nature, comme il s’est chargé du péché pour y porter remède. Ce remède, où le trouve-t-il ? Dans la folie de la croix ; dans les apôtres, gens épais et simples, à qui il recommande avec soin de fuir la sagesse et de rechercher la folie, lorsqu’il leur donne en exemple les enfants, les lis, le sénevé, les petits oiseaux, toutes espèces d’êtres qui végètent sans âme, au gré de la nature, privées de prévoyance, d’intelligence, de soucis… C’est encore la même pensée qui le guide lorsqu’il leur recommande de ne pas s’inquiéter comment ils pourront répondre à l’interrogation des magistrats, d’abdiquer toute prévoyance de l’ave-