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tout n’est que vanité !… » Qu’entend-il par là selon vous ? n’est-ce pas, comme je vous l’ai déjà dit, que la vie humaine est le jouet de la folie ? Et il confirme ainsi ce que Cicéron a dit à ma louange et qu’on ne saurait trop répéter : « Le monde est plein de fous ! Le fou change comme la lune, le sage à la stabilité du soleil, ajoute le même livre, pour montrer que la folie est le lot de tous les hommes, la sagesse celui de Dieu. La lune c’est la nature humaine, le soleil, source de toute lumière, c’est Dieu. » Ajoutons à cela le mot de l’Évangile : « Dieu seul est bon. » Or si quiconque est fou n’est pas sage, si bon et sage sont synonymes, comme le veulent les stoïciens, tous les hommes sont fous, la chose est claire, puisqu’il n’y en a pas un de bon.

« La folie est la joie du fou. » si on en croit Salomon (ch. xv), d’où il faut conclure que, sans folie, la vie serait insupportable. C’est lui encore qui a écrit : « Qui cherche la science cherche la douleur ; il y a de grandes souffrances dans une grande intelligence. » Ce même penseur ne s’écarte pas beaucoup, de ses idées lorsqu’il ajoute, ch. vii : « Le cœur du sage est hanté par la tristesse, le cœur du fou par la gaieté. » Aussi Salomon ne s’est pas contenté de posséder la sagesse, il a voulu encore me connaître, moi la Folie. Et, si vous ne m’en croyez pas sur parole, écoutez ce qu’il a écrit, ch. i : « J’ai laissé faire mon cœur afin de connaître la sagesse et la science, les erreurs et la Folie. » Et remarquez que s’il fait venir ici la Folie au dernier rang, c’est pour la mieux honorer ; il suit en cela