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trefois et sans parabole, ce n’est pas aux frocs, aux oraisons, aux abstinences que j’ai promis le royaume de mon père, c’est aux œuvres de charité. Arrière ! vous qui évaluez si bien vos propres mérites, et vous donnez pour plus saints que moi. Allez chercher un paradis loin d’ici. Demandez de vous en bâtir un à ceux-là qui ont mis des pratiques où j’avais mis ma loi. » Quand retentira cet arrêt terrible et qu’ils se verront préférer des matelots et des charretiers, quelle mine se feront-ils selon vous ? — En attendant, moi, la Folie, je les rends heureux en les berçant d’espérance.

Quoiqu’ils soient morts pour lui, le monde se garde bien de laisser voir son mépris à ces enfroqués, surtout aux ordres mendiants. Car ils possèdent les secrets des familles, grâce à la confession qu’ils mettent tous leurs soins à provoquer. C’est pour eux cas damnable d’en révéler quelque chose, je le sais, mais il arrive parfois, quand ils ont trop fêté la dive bouteille, qu’ils cherchent à égayer la société par de piquantes anecdotes. Ils laissent alors comprendre la comédie, sans nommer les acteurs. — Avez-vous par mégarde irrité ces frelons, ils s’en vengent dans quelque prône, ou ils décochent à leurs ennemis des phrases obliques, si transparentes pourtant, qu’il faudrait être stupide pour ne pas reconnaître à qui ils en veulent. Le cerbère ne cessera pas d’aboyer, avant que vous ne lui ayez jeté dans la gueule le gâteau de miel.

Regardez maintenant nos gens en chaire, et dites s’il y a comédiens ou bateleurs qui