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ne nous l’avaient appris, nous serions-nous jamais douté qu’il y eût hérésie à dire indifféremment : tu bous, marmite, ou bien : la marmite bout ! Quel bonheur qu’ils se soient trouvés là pour délivrer l’Église d’erreurs dont personne ne se serait jamais douté si leurs censures ne les avaient mises en pleine lumière ! Tout cela n’est-il pas bien fait pour les rendre heureux ?

Mais attendez. Pour les voir dans tout leur beau, il faut les entendre faire un tableau complet de l’enfer, avec autant de détails que s’ils avaient habité plusieurs années le pays. Il faut les entendre fabriquer selon leurs caprices de nouveaux mondes et les combler de délices, de crainte que les âmes des sages n’eussent pas à se promener commodément, à banqueter et à jouer à la paume. Mais il est temps de nous arrêter ; leur cerveau est plus plein et plus lourd de ces sornettes que ne l’était celui de Jupiter lorsque, portant Minerve dans son crâne, il invoquait la hache de Vulcain. Ne vous étonnez donc pas si, dans les thèses publiques, vous voyez toutes ces têtes doctorales si soigneusement enveloppées ; elles éclateraient sans cela. Le fou rire me prend moi-même lorsque ces gens qui se croient réellement théologiens ânonnent leur jargon trivial et barbare ; — si bien que les ânons leurs frères sont seuls à la hauteur, et qu’ils osent qualifier de profondeur ce qui n’est qu’obscurité. À les entendre, les lettres sacrées ne peuvent être, sans sacrilège, soumises à la grammaire ; beau privilège vraiment pour messieurs de la théologie, de pou-