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toutes ces définitions ambitieuses, toutes ces froides subtilités, toutes ces discussions indécentes avilissent la majesté d’une science divine. — Tout cela est certain, mais n’empêche pas que vos docteurs en général ne se complaisent en eux-mêmes et ne s’applaudissent sans scrupule, et qu’occupés nuit et jour de si agréables niaiseries ils ne trouvent pas le loisir de lire une page de l’Évangile ou des épîtres de saint Paul. Pas moins vrai, qu’à entendre ces bateleurs de l’école, ce sont eux nui soutiennent l’édifice de l’Église sur l’échafaudage de leurs syllogismes boiteux, comme Atlas soutenait le monde sur ses épaules.

Une source vive de plaisir pour nos hommes, c’est de torturer les écritures et d’en pétrir le sens à leur guise comme une cire molle ; c’est de donner leurs conclusions, auxquelles ont adhéré un ou dieux pédants de leur espèce, pour des lois aussi sages que celles de Solon et préférables à tous les décrets pontificaux ; c’est de prétendre censurer le genre humain et amener à résipiscence quiconque résiste à leurs propositions implicites et explicites. Rien n’est bouffon comme leurs les oracles : cette proposition est scandaleuse ; cette autre irrévérencieuse ; celle-ci sent son hérésie ; celle-là est malsonnante ; si bien que ni baptême ni Évangile, ni l’opinion de Pierre ou de Paul, de Jérôme ou d’Augustin ou de Thomas lui-même, l’aristotélicien par excellence, ne donnent droit au titre de chrétien sans l’assentiment de nos bacheliers, tant leur jugement est infaillible ! Si ces beaux sires