originel ? Pierre reçut les clefs, et les reçut de celui qui ne pouvait les confier à un indigne, fort bien ; mais Pierre a-t-il compris, a-t-il su atteindre à cette subtilité que ces clefs pourraient devenir celles de la science entre les mains d’un ignorant ? Les apôtres baptisaient bien quelquefois, mais ont-ils jamais parlé de la cause formelle, matérielle, efficiente, finale du baptême, du caractère délébile et indélébile de ce sacrement ? Ils adoraient Dieu, mais en esprit, s’appuyant seulement sur l’Évangile, qui dit que Dieu est pur esprit, et qu’il veut être adoré en esprit et en vérité ; mais nulle part il ne leur a été révélé qu’une image du Christ, tracée au charbon sur le mur, méritât le même culte que le Christ lui-même, pour peu qu’elle eût deux doigts étendus, une longue chevelure, et une auréole à trois raies sur l’occiput. Ce sont là toutes choses qu’on ne peut comprendre à moins d’avoir passé trente-six ans dans les régions physiques et métaphysiques des Aristotéliciens et des Scottistes. Les apôtres parlent souvent de la grâce ; mais ces pauvres sires ne savent pas distinguer la grâce gratuite de la grâce gratifiante ; ils exhortent aux bonnes mœurs, mais ils ne disent pas la différence entre l’œuvre opérante et l’œuvre opérée. Partout, ils prêchent la charité, mais ils ne séparent pas la charité infuse de la charité acquise ; et l’on doute après eux si c’est là un accident ou une substance, une chose créée ou incréée ! Le péché leur faisait horreur, mais je veux mourir s’ils ont jamais songé à le définir, à moins de supposer que l’esprit de Scott les inspirait. Si Paul, dont
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