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XXVIII. — Il existe un très vieux décret du Sénat Pontifical sur l’institution de docteurs chargés de l’enseignement public de plusieurs langues, tandis que pour l’étude de la Sophistique et de la philosophie d’Aristote il n’y a nulle part rien de prévu, à moins que les décrets ne mettent précisément en doute l’utilité de cette étude. Elle est d’ailleurs déconseillée par beaucoup de grands auteurs. Pourquoi négligeons-nous ce que l’autorité des Pontifes a ordonné, pour n’embrasser que ce qui est mis en doute, et même déconseillé ? D’ailleurs ils ont agi avec Aristote comme avec les saintes Écritures. On trouve partout la Némésis, vengeresse des mépris de la langue. Ici encore, çà et là, ils divaguent, ils rêvent, ils sont aveugles, ils se cassent le nez, ils profèrent de pures énormités. C’est à ces théologiens distingués que nous devons de ne posséder qu’un si petit nombre de cette foule d’écrivains que Jérôme recense dans son Catalogue, parce qu’ils écrivaient ce que « nos maîtres » ne pouvaient comprendre. C’est à eux que nous devons un saint Jérôme si défectueux et si mutilé que les autres ont plus de mal à en rétablir le texte qu’il n’en a eu lui-même à l’écrire.


XXIX. — Pour ce que tu m’écris en troisième lieu sur le Nouveau Testament, je me demande en vérité ce qui t’est arrivé et où tu as pu tourner les regards si perspicaces de ton intelligence. Tu ne voudrais m’y voir rien changer, sauf si le grec présente un sens plus clair, et tu affirmes qu’il n’y a pas la moindre faute dans l’édition dont nous nous servons communément. Tu considères comme un sacrilège d’ébranler en quoi que ce soit un édifice qui a reçu l’approbation de tant de siècles unanimes et de tant de synodes. Je t’en conjure, très érudit Dorpius, si tu es dans le vrai, dis-moi donc pourquoi Jérôme, pourquoi Augustin, pourquoi Ambroise font fréquemment des citations qui diffèrent de ce que nous lisons. Pourquoi Jérôme critique-t-il et corrige-t-il nommément tant de passages qui sont pourtant gardés dans cette édition ? Que feras-tu en présence de tant de concordances, c’est-à-dire quand les textes grecs ont une leçon différente, que Jérôme la cite en exemple, que les manuscrits latins la reproduisent, et que le sens lui-même cadre mieux avec le sujet ? Est-ce que par hasard, en dépit de tous ces témoignages, tu suivras ton texte, probablement altéré par un copiste ? Personne ne sontient